Sonnet janvier 1890

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Albert Samain, « Sonnet  », Mercure de France, t. I, n° 1, janvier 1890, p. 18.


SONNET


   Laisse la rue à ceux que leur âme importune.
   Calme, respire au long d'un grand soir de satin
   Le lys de solitude à ton balcon hautain ;
   Et joue avec les blonds cheveux de la Fortune.


   Tas d'affamés serrés à la table commune,
   Laisse aux autres leur part hâtive du festin,
   Cependant que fleurit dans le parc incertain
   La rose de cristal qui chante au clair de lune.


   Au fond du Sanctuaire, entends l'art Sybillin
   Prophétiser ton âme ― et vers l'Œuvre divin
   Lève ton cœur ainsi qu'un ciboire d'or fin !


   Pense, domine l'Âge et respire l'Espace.
   N'espère pas : l'Espoir est un oiseau rapace.
   Vis, si tu peux, dans l'Éternel l'heure qui passe.


Albert Samain

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