Sonnet oublié

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Ernest Raynaud, « Sonnet oublié », Mercure de France, t. III, n° 20, août 1891, p. 92


SONNET OUBLIÉ


À Raymond de la Tailhède.



Elle est à vendre, la Villa, depuis des ans.
Le jardin où sonnaient d’amoureuses paroles
A tu son rire, et gît, inutile, à présent
Qu’en chaque allée il a poussé des herbes folles.


La cour mauresque dont le dallage se fend
Ne s’éveille plus de sa paix silencieuse.
Et près d’une eau tarie, une statue-enfant
S’immobilise en un beau geste de joueuse.


Personne. Un vieux lierre escalade les volets.
Or si l’enfant s’abstient de son jeu d’osselets
Et lève un peu son front d’orphelinette triste,


C’est, croirait-on, pour suivre au-delà des arceaux,
Dans le méchant carré de ciel qui lui subsiste,
Ce seul émoi qu’elle a du monde : un vol d’oiseaux.

Ernest Raynaud.


Ivry, Mai 1888.


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