Théâtre Libre décembre 1891

De MercureWiki.
 
Willy, « Théâtre Libre », Mercure de France, t. III, n° 24, décembre 1891, p. 359


THÉÂTRE LIBRE
_______


 Un ramage de jovialités, aujourd'hui fossiles, emplit la salle à manger de la maison Vauquer. On est aux prises avec des mets récalcitrants ; et le père Goriot, par vieille habitude de vermicellier soucieux de l'origine des farines, flaire son pain, quand mystérieusement Mme Vauquer l'appelle : lors les pensionnaires entrevoient passer derrière la porte vitrée une exquise personne, — sa maîtresse évidemment, car à qui fera-t-il croire que c'est là sa fille? Puis, entre Eugène de Rastignac, Goriot et ses deux filles (Anastasie de Restaud et Delphine de Nucingen), le roman se développe, Vautrin et Bianchon n'étant plus que des personnages épisodiques, la duchesse de Langeais, la vicomtesse de Beauséant et Mlle Taillefer étant absentes.
 Dominé par son pathologique amour paternel, Goriot se laisse dépouiller ; il déteste les maris de ses filles puisque celles-ci se plaignent de leurs maris ; et il est volontiers le complice de leurs amants : pourtant, économe, il trouve que le Maxime de Trailles d'Anastasie de Restaud est par trop un bourreau d'argent ; il aime bien tenir la chandelle, mais pas la bougie ; aussi adore-t-il le bon Eugène de Rastignac, l'amant de Delphine. De saignée en saignée, le voilà sans un sou : alors ses filles s'invectivent ; Delphine reproche Maxime à Anastasie ; Anastasie la censure du fait d'Eugène. Goriot n'a plus qu'à mourir, mais il ne s'y résigne qu'après tout un cinquième acte d'agonie, car il attend ses filles — qui ne viendront pas.
 Au III, la question des rapports financiers des deux amants est bien résolue, sans rigorisme.
Au IV, Anastasie a fait endosser par son père le billet qui doit payer une différence de Maxime, et Delphine dit : « Elle est revenue pour l'endos ». A l'entr'acte, d'Axa rectifiait judicieusement : « Elle est revenue pour le dos. »
 Cette pièce de M. Tabarant est une illustration, mais qui vaut mieux que celles dont les romans de Balzac s'étaient ponctués, de Bertall à M. Julien Le Blant, si, bien entendu, on excepte les H. D.

Willy.


Outils personnels