Volupté

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Albert Samain, « Volupté », Mercure de France, t. I, n° 4, avril 1890, p. 134.


VOLUPTÉ

Je rêve de vers doux et d'intimes ramages,
De vers à frôler l'âme ainsi que des plumages ;


De vers blonds, où le sens fluide se délie
Comme sous l'eau la chevelure d'Ophélie ;

De vers silencieux, et sans rythme et sans trame,
Où la rime sans bruit glisse comme une rame ;

De vers d'une ancienne étoffe, exténuée,
Impalpable comme le son et la nuée ;

De vers de soirs d'automne ensorcelant les heures
Au rite féminin des syllabes mineures ;

De vers de soirs d'amour énervés de verveine
Où l'âme sente — exquise ! — une caresse à peine,

Et qui au long des nerfs baignés d'ondes câlines
Meurent à l'infini en pâmoisons félines.

Violes d'or... et pianissim' amoros'...

Je rêve de vers doux mourant comme des roses.

Albert Samain.

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