La Femme-Enfant, par Catulle Mendès Bibliothèque Charpentier). — Voir page 179.
L'Exorcisée, par Paul Hervieu (Lemerre). — Œuvre de psychologie pour qui tient à une classification, de psychologie
à fleur d'âme, fluide, infiniment épandue. Ce n'est pas là un reproche à l'auteur, dont l'esprit ingénieux se plait aux subtiles casuistiques et y excelle. M. Paul Hervieu comprend plus qu'il ne sent, et il perçoit les rapports infinitésimaux, les divisions et les subdivisions les plus ténues. Il intellectualise l'âme, puis, avec une louable délicatesse de touche et une habileté sans pareille à rester sur les confins au-delà de quoi ce serait le pathos sentimental, il raisonne, induit, déduit et analyse. Casuistique, ai-je dit; voici le cas de L'Exorcisée : une jeune femme, « qui ne s'est jamais aperçue qu'elle aimât son mari avant de remarquer qu'elle ne l'aimait pas », s'est donnée à un autre sans savoir pourquoi, sans motif, dans un moment d'inconscience dont elle parle ainsi plus tard : « On explique des meurtriers par le fait qu'ils ont vu rouge : quant aux femmes, à l'instant qu'il leur est fatal, on pourrait presque de même dire qu'elles voient blanc, un blanc de vide éblouissant, le blanc de vertige dans un tournoiement où se fondent toutes les couleurs de leur existence. Mais pourquoi ai-je fait cette chose? ... Comment, à force de ne pas vouloir, atteint-on un degré où l'on veuille ce que l'on ne voulait pas, ce que l'on ne voudra plus ? » Or, après s'être donnée, ou plutôt laissé prendre, elle se sent dépossédée d'elle même, « ... tellement dépossédée que je ne saurais pas disposer de moi. Ah! j'ai cherché, j'ai essayé, j'ai voulu oser!... Je suis possédée par lui, possédée par le fait, matériellement possédée... » Mais un second amant la prend dans un moment d'inconscience assez analogue au premier, et comme, cette fois, succède un évanouissement total, elle emporte de l'aventure « un doute charnel, dont les tolérances s'étaient substituées à la superstition aigüe de sa chair » : d'où l'exorcisée. Cérébralité, névrose, casuistique ; œuvre fort curieuse, en tout cas, d'un écrivain de grand talent, dont la langue, pour précieuse qu'elle soit et compliquée, ne cesse jamais d'être claire. Je citerai encore cette silhouette morale du mari par sa femme « D'après lui, il y des choses que « l'on ne dit pas », que « l'on ne fait pas », celles dont « ne se doute pas » une jeune fille, et celles qu'on ne lui fera jamais croire de la part « d'un parent », ou d'un homme qui « a été marin », ou d'une femme « qui a des enfants». Est il assez complet ?...
A. V.
Le Nazaréen, par Henri Mazel (Savine). — Un de ces drames injouables comme en rêvent les poètes quand ils ont longuement compulsé des Tomes d'archéologie, étudié des planches de restitutions ou relu les vieilles chansons de geste et les légendes de la Bibliothèque Bleue. En un déroulement de fresque, des scènes vaguement s'ordonnent, des personnages magnifiques parlent de choses pompeuses ; l'action, enfantine, n'est rien qu'un prétexte à mise en scène ; tout l'intérêt se porte sur le décor splendide, sur l'apparat des costumes, les cortèges, le mouvement des foules qui acclament dans la joie des trompettes et le cliquetis des armes. La pièce, le roman, l'intrigue, les états d'âme, le côté humain de l'œuvre, enfin ce qui la fera vivre et palpiter, on s'en occupera plus tard. Ainsi me semble Le Nazaréen, ébauche de drame, fragment d'un magistral poème que le réveil brusquement venu ne permit pas d'achever. Et peut-être l'aimons-nous mieux ainsi. — A cette cour de Trajanopolis en Romélie, parmi l'opulence byzantine, la gloire théâtrale du vieil Empire d'Orient, ce que viennent faire ces patrices, ces comtes, ces clarissimes, ces chevaliers, ces rois et leurs dames, ne nous inquiète guère. Ils sont là qui étalent des robes de brocart et l'orgueil des armures, qui se drapent dans les soieries d'or et
de pourpre ; c'est tout leur rôle. — On se tromperait en demandant un drame véritable ; à juger d'ensemble, la conception paraîtrait étriquée ; elle manque de souffle. Malgré leurs grandes paroles, leurs gestes tragiques, les personnages restent de tous petits bonshommes ; leurs agissements sont naïfs et mécaniques. Ils ne sont là que pour se faire voir et déclamer en une langue merveilleusement descriptive, pour débiter des tirades où vraiment on trouve quantité de choses très bien. J'insisterais volontiers sur le côté descriptif du talent de M. Mazel et son érudition curieuse. Ce sont là des qualités, et qui le porteront à écrire des pages meilleures que ces dialogues du Nazaréen — un peu trop sous l'influence de la Tentation et de Lohengrin. En tout cas, son livre est gros de promesses ; il serait bon d'y revenir.C. Mki.
Des Visions, par Pierre-M. Olin (aux bureaux de la Wallonie). — Après un « Prologue à ma conscience, en mémoire de la rose mystique de Sidon », où, en vers d'un symbolisme rare et d'une métrique personnelle, l'auteur célèbre le désespoir que lui a laissé une passion morte, viennent de précieux poèmes en prose. Ceux-ci évoquent des visions correspondant à des états d'âme, joignent au charme et souvent à la magnificence de la couleur des clartés philosophiques et occultistes d'une saisissante ingéniosité.
E. D.
Histoires Normandes, par Léo Trézenik et Willy (Ollendorff.) — En tant que genre littéraire, la nouvelle avait besoin d'être réhabilitée ; trop de goujats l'exploitèrent; on la leur abandonnait déjà, comme on abandonne le théâtre aux vaudevillistes et aux histrions, comme on abandonna longtemps la critique aux Vitu et aux Sarcey, la chronique aux Henry Fouquier. Toute tentative est bonne, dès lors, qui nous sort de la cuisine, de la fabrication courante, qui se lève contre l'outrecuidance des Talentueux et de leurs marchands. Il faut remercier M. Marcel Schwob d'avoir écrit Cœur double; à un autre point de vue, il faut remercier MM. Willy et Trézenik de leurs Histoires Normandes. — Pourtant, s'ils pensèrent qu'on doit avoir quelque chose à dire pour se permettre même un volume de nouvelles — avoir au moins des anecdotes curieuses dans son sac — je ne vois pas bien ce qui les forçait à le grossir de pièces inférieures, par quelle concession ils y admirent de petits contes de troisième ordre et justement dans la note journal, supplément de la Lanterne, hebdomadaire de water-closet. A côté de choses de valeur
C. Mki.
L'Heure en Exil, par Dauphin Meunier (Léon Vanier). — Voici une forte plaquette en vers et strophes libres, d'un symbolisme intransigeant, que l'on étudiera curieusement lorsqu'on voudra se rendre-compte de l'évolution littéraire de ces derniers temps. Tout ce qu'on a tenté, tout ce qu'on veut de nouveau, à tort ou à raison, a laissé ici quelque trace. Peut être, parfois, au détriment de l'originalité.
E. D.
Exame de Consciencia, par Antonio de Oliveira Soarès (Coïmbra-Manoël d'Almeida Cabral). — J'ai ouvert avec méfiance ce livre qui vient de loin; je craignais d'y lire quelques poésies de salon et de boudoir comme en écrivent partout les jeunes gens bien élevés et les vieux messieurs galants. Ma Joie s'est accrue de surprise en découvrant un poète qui sans doute n'est point toujours parfait ni original, mais qui fait effort vers un art personnel : Exame de Consciencia est « un livre d'amour mystique et suave », écrit « loin des barbares, à la gloire de la fiancée spirituelle. » J'y louerai surtout l'unité d'ensemble, encore qu'elle n'aille pas sans quelque monotonie; peut-être y a-t-il là un luxe exagéré de cygnes, de lys et de vierges, peut-être aussi par moments des expressions bien scholastiques (p. ex.: « L'amict immaculé qui exprime la chasteté extérieur et intérieure »); mais ce ton de litanies, ce mélange d'amour profane et de latin liturgique conviennent mieux à une confession de ce genre que telle dissonance de japonisme ou, au milieu d'un sonnet, les horribles mots fin de siècle et décadent. M. d'Oliveira Soarès, à qui il a fallu bien du courage pour inaugurer une renaissance en dehors de tout milieu littéraire, a mieux à faire que de nous emprunter d'aussi tristes vocables : il l'a montré au reste en écrivant sur des rhythmes de rondels et de ballades d’excellents poèmes, et cependant je préfère encore les belles tiercé-rimes où il se complaît ; là surtout s'affirme le catholicisme enluminé et fleuri qui donne à son œuvre un caractère de luxe sacerdotal.
P. Q.
Liminaires, par Paul Redonnel (P. Lacomblez, Bruxelles). — « Y en aura-t-il qui comprendront la filiation de ces poèmes ? Oui! Mais beaucoup moins que ne pensent nos ennemis et plus que mes amis ne désirent. Savez-vous que je défie les Welches d'y entendre goutte et les intellectuels de ne pas comprendre? »
C'est sur ce ton agressif que se clôt la Préface des Liminaires. Tout le volume, d'ailleurs, respire ce même air de morgue et d'impertinence. M. Paul Redonnel est l'un des esprit de la jeune génération sur qui se fondent les plus légitimes espérances. Il n'est pas banal. Qu'il prenne garde
pourtant de courir trop l'originalité, qui est, selon, Corbière :
- ...Une drôlesse assez drôle de rue
- Qui court encor sitôt qu'elle se sent courue.
Il dispose d'assez de ressources pour ne pas s'en tenir à ces exclusives excentricités de tours et d'expressions qui, répétées, se vulgarisent jusqu'au cliché, et ne laissent pas de fatiguer, d'autant que ses concepts, pour la plupart, me semblent entachés de quelque banalité. Ses préoccupations sont telles :
- Eût-il pas mieux valu encore ne pas naître?...
- Où est le Bien, à quoi reconnaît-on le Bien?...
- ...Peut-être ai-je peur que la vie
- Et la Mort soient d'ennui pareil...
- ...Savoir s'il est vrai que l'on meurt d'amour!...
- ...Les Elfes sont partis et les Lutins sont morts.
Cela n'est pas si neuf, il me semble. De ci, de là, des sentimentalités qui détonnent. Le Chemin de Rome — IV, où ce vers :
- Ah! nom de Dieu, de nom de Dieu, de nom de Dieu!
et la seconde partie d’Aubes maternelles, où ceux-ci:
- C'est pas pour dire mais, à la fin, c'est rosse
- De fabrique tant d'enfants que ça!
Une pièce dédiée à Charles Maurras et où il est parlé « des Nymphes qu'ont tenté de tuer les Barbares » pourrait faire croire que le Poète s'est rallié à l'École Romane. Il n'en est rien, et nul plus que lui n'est dénué de tout esprit classique, de tout sens de la tradition. Il nage — ce qui n'est déjà pas si détestable — dans les eaux de Corbière, de Rimbaud, de Laforgue, et c'est un petit poisson vigoureux qui ne demande qu'à devenir grand. Son nom est à retenir, certes ! et déjà, dans ce volume de début, parmi des incertitudes et des erreurs, s'ébauche une puissante personnalité. Quelques pièces même se lignent définitives, telles : Colloques d'Êtres, Pour l'aimer tant, Rimes vertes. L'Auteur avoue ne pas répugner à l'étiquette de décadent: « J'attendrai, dit-il, pour récuser cette épithète, qu'elle soit plus définie et en des bornes moins apocryphes. » Il a raison. La haine des sots est la pierre de touche du talent. On peut être « gueux », « sans-culotte » ou « décadent » fièrement. L'injure ne fait du tort qu'à ceux qui la profèrent. Mais on n'espère pas de moi que j'analyse en quelques lignes une œuvre si forte, et je ne puis que conseiller aux curieux d'art de la lire. Elle leur réserve sûrement de délicates joies et d'esthétiques voluptés.
E. R.
Henrik Ibsen. Étude sur sa vie et son œuvre, par Charles
R. G.
Pétale de nacre, par Albert Saint-Paul (Léon Vanier) — Je ne sais pourquoi quatre vers de Baïf, d'après Ausone, me reviennent obstinément à la mémoire, en lisant le poème d'Albert Saint-Paul :
- Je m'émerveillais en pensant
- Comme l'âge ainsi larronnesse
- Ravit la fuitive jeunesse
- Des roses vieillis en naissant.
N'est-ce pas que le charme même de ces dix feuilles éparses consiste à fixer des minutes exquises et de frêles grâces qui ne durent point ? Mousmés en robes de brocart qui vont, lentes et blanches, le long des eaux rieuses, forêt de féerie où veille le Dragon vert, paons rouant près des jets d'eau en éventail, soleils dont l'agonie inonde de pourpre les gorges blanches, c'est un rêve d'heures douces en une mélancolique Cythère qui va mourir. Sied-il, après cela, de se plaindre qu'à deux deux ou trois reprises apparaissent des mots et des tours de phrase à la manière de Froissard, plus mignarde qu'harmonieuse ? Je croirais presque ces passages interpolés, tant ils démentent les gestes souples et les attitudes élégantes des jeunes entrevues, et de celle-ci surtout pour qui j'ai déjà de l'amour :
- En sa robe où s'immobilisent les oiseaux
- Une émerge des Fleurs comme une fleur plus grande,
- Comme une fleur penchée au sourire de l'eau,
- Ses mains viennent tresser la sanglante guirlande.
- Pour enchainer le Dragon vert — et de légende
- Qui de ses griffes d'or déchire les roseaux,
- Les faisceaux de roseaux : banderolles et lances.
- Et quand le soir empourprera le fier silence
- De la forêt enjôleuse de la Douleur
- Ses doigts, fuseaux filant au rouet des murmures,
- Les beaux anneaux fleuris liant les fleurs aux fleurs,
- Ses doigts n'auront saigné qu'aux épines peu dures.
P. Q.
Tendresse (Le monde thermal), par Marcel Luguet (Savine). — D'un style au premier abord un peu effarouchant, avec ses
abus d'incidentes placées sans aucun souci de l'envergure de la phrase, ce livre est pourtant une étude fort consciencieuse du début de l'âge critique chez une femme honnête et délicate. Pourquoi seulement ce sous-titre : monde thermal, bien inutile étant donné qu'il ne s'agit pas de faire, je pense, une belle réclame à Royat, la station auvergnate ? Est-ce pour la commodité des entrées en scène et pour le retour inopiné du mari qui arrive de Saïgon ?... D'ailleurs, de bonnes études de types de casino, le sculpteur Romain Miran, Banthem. Des détails très fins et surtout neufs sur ce si vieux sujet : la femme vertueuse assaillie par les désirs physiques. Un suicide décrit avec un rare sentiment de la succession des actes voulus, qui finissent par aboutir à une mort presque involontaire. Littérairement, ce suicide est le clou du livre. Enfin, de jolis paysages. — N. B. L'auteur n'est d'aucune école, c'est-à-dire n'imite personne.
***
Les Filles d'Avignon, par Théodore Aubanel (Savine). — Un volume fort prôné dans le clan des Félibres, lesquels sont gens à tapage et d'enthousiasme facile, comme on sait. Par exemple, le lecteur non initié au Prouvençau et à ses beautés n'a que faire de la traduction. Il n'y trouvera pas une idée, pas une pensée. On lui chante la nature, la beauté, l'amour, la patrie ; il semble que ce n'est pas très neuf. La pièce « Les Forgerons » a peut-être quelque couleur, sans excuser le « recueil si impatiemment attendu ». Enfin, ces Messieurs nous horripilent, qui affectent de parler charabia quand il existe du bon français pour tout le monde. Mais comme c'est bien le Midi, ce gratuit lyrisme, ces agenouillements de disciples devant une œuvre sonore et vide. Les méridionaux restent des personnages encombrants et loquaces, vantards et superficiels. Et voilà toute leur littérature. Ils disent Li Fiho d'Avignoun et jubilent, encore que Frederi Mistral ait pu prendre pour Tèmo de soun discours d'intrado à l'acadèmi de Marsiho l'éloge de Teodor Aubanel, qu'éro mort, pécaïre ! l'annado d'avans.
C. Mki.
Mes Dernières nées, Poésies, Fables, Chansons, par Eugène Chatelain, Avant-propos d'Alexandre Boutique (Bibliothèque de la Revue Européenne). — M. Eugène Chatelain est une des plus anciennes et sympathiques physionomies populaires du parti socialiste. Depuis plus d'un quart de siècle, il combat, sans s'écarter du droit chemin, en « honnête homme » — ainsi que le note M. A. Boutique, — ce qu'il juge être le bon combat ; et, n'y espérant, certes, aucun profit personnel, il publie des journaux, des revues et des livres en vue de propager la bonne parole : « La Muse qui l'inspire, dit M. A. Boutique, est vigoureuse, franche et rude. Il est un remueur d'idées, toujours généreuses. L'un des plus lus parmi les poètes du parti socialiste, s'il ne cueille pas toujours la petite fleur rare qui ne croît que sur les hautes cîmes, s'il ne baigne pas son front dans les nuages, c'est qu'il préfère autant avant tout rester près des humbles, qu'il aime, leur parler un langage
toujours accessible : le leur. » Mes Premières nées contiennent aussi des gauloiseries genre Caveau, qui ne sont guère plus de notre temps, et, pour ma part, j'aime mieux le poète socialiste que le poète grivois.
A. V.
Ephémérides et chansons par Claude Lauzanne (Savine). — Dans la prière d'insérer qu'il envoie en même temps que son volume, l'auteur a écrit ceci : « Rien de remuant, d'empoignant ou de gracieux et aussi de lubrique comme ces poésies. » Quelle aberration ! elles sont simplement soporifiques.
E. D.
La Chanson des choses, par Louis Malosse (Savine). — Étoiles filantes; Effet de nuit; Ballade du Printemps; Pour Elle, etc ... Dix rengaînes sentimentales par page, une métrique embryonnaire et des rimes à peine passables.
E. D.
(1) Aux prochains fascicules : Enquête sur l'évolution littéraire (Jules Huret) ; Chansons d'Amant (Gustave Kahn); Vers l'Absolu (Bénoni Glador); Les Principes supérieurs (J.-C. Chaigneau) ; Le premier amour de Pierrot (B. Tavernier) ; Chantefable un peu naïve (Albert Mockel); Le Livre de Thulé (L. Duchosat) ; L'Éternel Jocrisse (G. Chanteclair) ; Promenades sentimentales (J. Thorel); La Joie de Maguelonne (A.-F. Hérold); Les Tourmentes (Fernand Clerget); Histoire Générale de le Vélocipédie (L. Baudry de Saunier); Général de Ricard. Autour des Bonaparte (L.-Xavier de Ricard)
La Société Nouvelle (Bruxelles).— Cette revue est l'une des plus importantes et des plus intéressantes entre celles qui paraissent à l'étranger en langue française. Elle fait une part à peu prés égale à la littérature et aux questions scientifiques et sociologiques. Nous relevons dans le dernier fascicule (30 juillet) une étude très curieuse de Francis Nautet sur Les Sources du sentiment littéraire en Belgique. Expression française. C'est une bonne analyse des causes du mutisme littéraire des Belges. Les notes d'Émile Verhaeren sur Charles Cros sont également à lire : on est étonné de n'y voir aucune allusion à la Science de l'amour, cette nouvelle d'une si fine ironie qui, avec un peu de style, serait un chef d'œuvre. Signalons encore Le Despotisme en Chine,prédiction par Frédéric Borde d'une prochaine et profonde révolution en pays jaune.
De Nieuwe Gids (Amsterdam). — La revue littéraire hollandaise par excellence. Nous y avons lu, aux dernières livraisons, des notices fort bien renseignées de Willem Kloos sur Maeterlinck, Alfred Valette, Jules Renard, Ernest Reynaud, Moréas, Les Chants de Maldoror, etc. Celle du mois d'août contient, entre autres pages, une remarquable nouvelle de Ary Prins, Een Koning.
Gazzeta Letteraria (Turin). — Noté dans les derniers numéros : Il Padre Curci e la letteratura gesuitica, par
Giovanni Faldella ; une analyse (un peu à côté) de A l’Écart, de Minhar et Vallette, par Giuseppe Depanis ; Talento e Personalità, par Bruno Sperani : l'auteur n'est pas dupe du ridicule aphorisme souvent, à cette heure, proféré, que la littérature actuelle se caractérise par « trop de talent ! » — et il distingue soigneusement la personnalité, qui est l'essence du talent, et la faculté d'assimilation, qui en est la singerie, en ajoutant que la personnalité a besoin d'être rigoureusement disciplinée.
Cronaca d'Arte (Milan). — Une étude sur Le Vierge d'Alfred Vallette ; curieuses notes d'Enrico Morselli à propos de la célèbre attirance qu'exercent les concours académiques et autres sur les demi-fous (les mattoïdes), ceux que l'auteur appelle « i masturbatori della filosofia, métafisica, psicologia e sociologia » ; une polémique où C. Antona Traversi soutient contre la Cronaca la légitimité du théâtre qui plaît à la majorité et « fait de l'argent ».
Critica Sociale (Milan). — Bons articles de polémique ; théories socialistes doctrinaires.
R. G.
Le capitaine Bazeries, cryptologue en ses moments perdus, semble porter l'honneur d'être — comme dit Tallemant — idiot par la tête : Je suis resté, narre-t-il dans le Matin du 11 août, trois jours et pour ainsi dire trois nuits sur les fameux chiffres. La difficulté était augmentée de ce que les dépêches étaient rédigées dans le français douteux du temps (Le temps de La Fontaine et de Saint-Simon !), et que la même lettre était représentée par plusieurs chiffres. J'ai trouvé. Flaubert avait rencontré, aux dîners de Magny, un quidam pour lui soutenir que le Duc ne savait pas écrire. La chose Bazeries va plus loin, et c'est tout le xviime qu'il exécute à la houzarde. J'ignore si ce militaire plus nigaud que Baju possède la vérité sur le Masque-de-Fer (circonstance d'ailleurs à ne troubler pas mes nuits) : mais il se peut glorifier d'avoir, dès à présent, légué aux sottisiers de l'avenir une phrase que Sarcey lui-même serait en droit de jalouser.
D. J.
Un article de M. Gaston Calmette (Figaro du 5 août), à propos de la représentation des Aveugles, de Maurice Maeterlinck, donnée à des aveugles chez M. Maurice de la Sizeranne, est bien réjouissant d'inexactitudes matérielles et d'ignorance foncière. Ces deux perles (entre combien d'autres !) : « Dans l’Intruse, où toutes les horreurs de la cécité sont longuement racontées... » — « Quand la question de la cécité avait été posée, au théâtre du boulevard de Strasbourg, un frisson avait parcouru tout le public des abonnés de M. Antoine... » M. Paul Fort, qui envoie volontiers des petits papiers à la presse, n'eût-il pas dû rectifier au moins celle-là ?
M. Camille de Sainte-Croix a dévolu la Bataille littéraire du 11 août aux « Lettres en Algérie ». Il y reproduit des poésies, nouvelles et articles fort curieux, qui révèlent — ce qu'on ignore assez généralement — une littérature algérienne.
La Revue Indépendante de juillet contient une intéressante nouvelle de Mme Tola-Dorian : Rêve d’Éther.
Dans les Entretiens Politiques et Littéraires de ce mois, où M. Pierre Quillard signe un article contre les « sectateurs de la Renaissance romane », M. Francis Vielé-Griffin publie, à propos de Pages, une étude sur M. Stéphane Mallarmé — de qui L'Art Moderne du 9 août reproduit l'interview prise naguère par M. Jules Huret.
A. V.
Nous recevons le premier fascicule du Courrier Médical des Bains de Mer (in-8 coq. de 12 p. — Dir., Docteur Delcroix, Dieppe, 114, Grande-Rue. Le numéro, 60 cent. ; ab. ann. 10 fr.), dont le titre explique suffisamment le but. Rédaction : Docteur Calot, Dacquet, Duchesne, Déléage, Gresset, Houzel, Mathon.
A lire: Le Magazine Français Illustré (Contes, nouvelles, voyages, actualités, nombreuses illustrations) ; dans L'Ermitage : La Fin des Dieux (Henri Mazel), la Fin du Double (Pierre Dufay), Distiques Parnassiens (Albert Saint-Paul), etc.; — La conque, dont le frontispice est cette fois signé Judith Gautier; — dans La Plume, une réponse d'Adolphe Retté à M. Ch. Maurras : Le Midi bouge! et, d'Ernest Raynaud, l'Homme au poids ; — Chimère (in-8 raisin de 16 p. — Dir., Paul Redonnel, Montpellier, 52, cours Gambetta. Le numéro, 50 cent.; ab ann. 8 fr.); — dans La France Moderne, Oraison funèbre de Jean Lombard, par P.-Marius André; — L'Endehors; — La Revue Moderne, qui reparait avec M. Ch. Bourget comme rédacteur en chef (in-4° coq. de 40 p., rue Laffitte, 1. Le numéro, 50 cent.; ab. ann. 12 fr.); — Le Progrès artistique et Littéraire (in-4° raisin de 12 p. — G. de Dubor, 8, rue Lamartine. Le numéro, 30 cent.; ab. ann. 12 fr.); — Le Sillon.
Musée du Louvre. — On a déplacé un grand nombre de tableaux, effectué un nouveau classement encore plus malheureux que le précédent, dont le seul but semble avoir été de mettre en cimaise des Guido Reni, des Dolci, des Carrache et autres croûtes, pour accrocher dans les frises d'intéressants tableautins grands comme la main. Quand se décidera-t-on à débarrasser la grande galerie de ses quatre-vingts
Guido Reni qui l'encombrent et à créer pour eux, comme on
a fait pour les Le Sueur, une salle spéciale dans laquelle on aura la liberté de ne point passer? Dans la salle des Primitifs italiens, il y a cent tableaux remarquables, voisins du plafond, qu'il est impossible de voir, un Perugin, un Boticelli, un Paolo Uccello, etc., etc. Il n'y a pas un seul Jordaens en cimaise. Le Caravage du grand salon carré, malgré ses petites dimensions, est à trente mètres de hauteur. Enfin, et c'est le comble,le Louvre, si pauvre en maîtres allemands, ne possède en tout que trois Cranack: or, un de ces trois Cranack, facile à caser pourtant, puisqu'il n'a guère que vingt-cinq pouces carrés, est exposé... devinez où? — dans le Musée de la Marine!!!
M. Rodolphe Kahn vient de faire présent au Louvre d'un panneau du xvime siècle représentant : Henri III en prière au pied de la Croix.
Chez Boussod et Valadon.: Des Gauguin, Pissaro, Monet; le Meurtre, l'Assassiné, les Traînards, le Pendu, d'Henri de Groux.
G.-A. A.
La Statue de La Fontaine. — Un buste à perruque, une femme à ailes, un tas de bêtes variées avec les inévitables pigeons qui se bécotent, de la prose de M. Sully-Prudhomme et des vers de M. François Fabié : jamais plus naïves sottises ne furent coulées en bronze ou proférées par des bouches. A la banalité du monument a répondu la niaiserie des discours. D'abord M. Sully-Prudhomme dit : « En France, à
coup sûr, personne ne toucherait impunément à la popularité
de La Fontaine; ce serait un attentat au génie de la nation même, et nos écoles de poésies les plus révolutionnaires n'en ont pas affronté l'aventure. » A quoi bon, puisque nul ne le lit plus et que « le Grand Fabuliste » est entré à tout jamais dans la catégorie des pensums? Lamartine, pourtant, ne cachait pas son mépris pour le poète mesquin des_petites querelles de l'intérêt, et Hello, en son livre l'Homme, l'a sévèrement couché parmi les Horace et autres bassesses. Les Fables de La Fontaine, ces moralités en vers bancals, pas bien supérieures aux quatrains de M. de Pibrac, si vraiment le génie de la France est là-dedans, c'est qu'il est mince et capable de se loger en un bien petit trou. Voyons, est-ce que le génie de la Grèce est dans Esope le Phrygien ou le génie de Rome dans Phèdre? La Fontaine n'est qu'un poète de moyen génie qui, en un siècle tout en décor et en dehors, et avec cela le moins original peut-être de tous les siècles, trouva quelques jolis vers, de compagnie avec Théophile, Saint-Amant, le P. de Saint-Louis et très peu d'autres (quant aux
Corneille, Molière, Racine, ils furent dramaturges, orateurs, moralistes, traducteurs, etc., tout ce qu'on voudra, mais non des poètes). Encore ces vers ne se trouvent-ils pas dans les éternelles Fables, mais çà et là, dans le poème sur le Quinquina, par exemple, et noyés en des flaques de boue; sur la mort :
- ...Alors, il faut oublier ces plaisirs,
- L'âme en soi se ramène, encore que nos désirs
- Renoncent à regret à des restes de vie.
- Douce lumière, hélas, me seras-tu ravie?
- Âme, où t'envoles-tu sans espoir de retour?
Et à côté de cette magnifique inquiétude, on trouve des misères telles que :
- Des portions d'humeur grossière,
- Quelquefois compagnes du sang,
- Le suivent dans le cœur, sans pouvoir en passant
- Qu'il naisse des esprits en même quantité
- Que dans le cours de la santé.
Et dans les immortelles Fables, en ouvrant au hasard, on trouve des morales de cette élévation (Le Cerf se voyant dans l'eau) :
- Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile;
- Et le beau souvent nous détruit.
- Ce cerf blâme ses pieds qui le rendent agile:
- Il estime un bois qui lui nuit.
Ou des vers qui ne sont des vers que par des artifices typographiques; tel ce passage (Le Loup et l'Agneau) :
« Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté ne se mette pas en colère, mais plutôt qu'elle considère que je me vais désaltérant, dans le courant, plus de vingt pas au-dessous d'Elle, et que, par conséquent, je ne puis en aucune façon troubler sa boisson... »
Et encore : « ... Mets-les contre le mur. Le long de ton échine je grimperai premièrement, puis sur tes cornes m'élevant, à l'aide de cette machine, de ce lieu-cy je sortirai, après quoi je t'en tirerai. »
Cela fait six vers dans la Fable intitulée : Le Renard et le Bouc.
Complètera qui voudra ces cursives notes. Elles ne sont ici qu'un à-propos en réponse aux mots de M. Sully-Prudhomme. Si cet honorable académicien croit nous faire peur!
Quant aux vers lus à cette inauguration, ils représentent bien la médiocrité officielle où se complait l’État moderne, et qu'il convie toujours - et seule - à ses fêtes; en voici un spécimen :
- ...Depuis ces jours où crânement
- Tu soutins en des vers de flamme
- Contre Descartes (sic) et tout son siècle l'acclamant
- Que les animaux ont une âme.
Et l'on s'étonne qu'il y ait des anarchistes!
R.G.
M. L. Baudry de Saunier, qui fonda l'année dernière et dirigea Le Roquet, transformé peu après en Le Carillon, publie à la librairie Ollendorff un livre inattendu autant que curieux et d'actualité : L'Histoire Générale de la Vélocipédie. M. Jean Richepin a écrit une préface pour ce volume, lequel est illustré de 150 dessins originaux, estampes anciennes, caricatures anglaises et françaises de 1818. - Prix: 3 fr. 50. C'est vraiment pour rien.
M. Paul Fort nous communique la longue liste des pièces qu'il vient de recevoir, parmi lesquelles nous relevons Les Chrétiens,de Jean Lombard; un Apollonius de Tyane, d'Edouard Dubus; L'Holocauste, de Charles Morice; Le Nazaréen, d'Henri Mazel; un Pierrot Poète, d'Albert Aurier, etc. - Quant aux premiers chants de l’Iliade et de l'Enéide, que le Théâtre d'Art se propose aussi de monter, il y a évidemment des chances pour que les héritiers de MM. Homère et Virgile ne créent point des difficultés à M. Paul Fort; mais, sauf le respect que nous devons à ces grands morts, la représentation serait assommante.
Lu à la devanture de la librairie géographique H. Le Soudier, 174, boulevard Saint-Germain, sur une petite affiche, ces lignes suggestives :
« Le globe terrestre, qui était autrefois gênant, encombrant et difficilement transportable, est donc devenu d'un usage facile, car pour s'en servir il suffit de le gonfler..., etc.
« Autrefois, le globe terrestre était encombrant et cher... »
Il y aurait acheteur pour :
La collection des Grimaces, d'Octave Mirbeau ;
Les Origines, d'Odilon Redon ; .
Le numéro 28 du Décadent (série journal);
Des exemplaires du Mercure de France : numéro 1 (à 1 fr. 50), numéros 13 et 14 (à 1 fr.).
Il y a vendeur pour:
Les Soirées de Médan, édition de 1890, avec les cinq portraits saisis (rare).
(Au bureau du Mercure de France, le mardi, de 3 à 5 heures, ou par correspondance.)
Mercvre.