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Julien Leclercq, « Sonnets », Mercure de France, t. I, n° 11, novembre 1890, p. 395.


SONNETS



 Ton âme que j'explore est la forêt muette
 Que le vent fait, au soir, frémir sur la grand'route ;
 Car tremblant sous la brise un peu triste du doute,
 Comme elle, je la sens vaguement inquiète.

 Mais, se berçant au gré d'une cime indolente,
 Il est un nid caché parmi les hautes branches :
 Y dort l'oiseau d'amour sous ses deux ailes blanches.
 Et ce nid, c'est ton cœur, ma brune nonchalante !

 L'heure approche, pourtant, où le ciel se pavoise.
 Dès l'aurore l'oiseau va chanter sa romance.
 Et toi ! ne veux-tu pas qu'alors je l'apprivoise ?

 Je serai l'oiseleur plein de tendresse immense,
 Dont la câline main lui sera douce à l'aile
 Pour, de ton cher amour, faire un chanteur fidèle.



(Variante du sonnet précédent.)


 Ton âme est la forêt silencieuse et vaste
 Qui tremble au vent léger de ta mélancolie ;
 Comme au ciel d'un soir calme une étoile pâlie,
 Sur elle, avec bonté, s'allume ton œil chaste.

 Nid fragile, ton cœur, dans ce troublant domaine
 Reste muet malgré l'émoi des hautes branches :
 L'oiseau d'amour y dort sous ses deux ailes blanches,
 N'ayant encor jamais ouï la voix humaine.

 Mais à l'horizon bleu, quand luira l'Espoir rose
 D'une aurore où persiste un charme de mystère,
 Dans ton cœur chantera l'habitant solitaire.

 Et s'il n'est pas un trop farouche virtuose,
 Je serai l'oiseleur à la main douce à l'aile,
 Tant j'en veux par mes soins faire un chanteur fidèle.


Julien Leclercq.


 Mars 1890.

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