La souscription aux exemplaires sur papier couleur violet évêque est close. Pour donner satisfaction à chaque bibliophiles, il sera tiré 7 exemplaires sur papier couleur pourpre cardinalice, à souscrire aux prix de 35 francs.
Liste des souscriptions (suite; v. notre dernière livraison) :
Exemplaire sur papier pourpre cardanalice (à 35 francs): MM. Jules Renard, François Coulon.
Exemplaires sur papier violet-évêque (à 30 francs): MM.Alfred T. Swann, Jules Méry, Marcel Boulenger, Librairie Flammarion.
Exemplaires sur papier fort, teinté (à 10 francs): MM. Edmond Bigaud-Kaire, A.Demare, Gabriel Vicaire, J.-Camille Chaigneau, Paul Desjardins, Maurice Barrés, Joseph Declareuil, Willem Witsen (2. ex), Jean Casier, Georges Juéry, R.Guénestal, Pierre-M. Olin, Paul Gérardy, Laurent Tailhade, François Alicot, L.P. De Brinn Gaubast.
(V. renseignements aux annonces, en tête du présent numéro.)
Paris, ce 8 mai 1892.
Mon cher ami,
J’ai dans mes cartons, terminé depuis quelques temps déjà un petit travail qui s’appellera, si vous le voulez bien, La merveilleuse Doxologie du lapidaire. Je m’y suis essayé à dégager des pierres précieuses, de leurs vertus légendaires, de leurs couleurs, etc., un certain symbolisme qui m'est, je crois, à peu près personnel. Il n'y a donc, sans aucun doute, rien de commun entre cela et le chapitre: Marbode et la symbolique des pierres précieuses du Latin mystique, de Remy de Gourmont. Toutefois, pour prendre date - le Figaro vient-il pas, dans son supplément du 7 mai, de publier un article sur ces somptueux joujoux ?- je vous saurai gré de publier cette lettre et d’annoncer comme à paraître (???) la Doxologie en question.
Amitiés à Gourmont et à vous,
Louis Denise.
Mon cher Vallette,
Ce mois je comptais analyser la Vie du Poète, symphonie-drame de Gustave Charpentier, le Gluck des Magnifiques.
Par malheur, lors de sa lumineuse audition au Conservatoire, j’étais en train, Jonas en pantalon rouge, d’être digéré par une de ces baleines de pierre parquées à travers la Patrie, que clairement l’on nomme des casernes.
Certes, j’eusse désiré parler d’abord de l’idée en musique- « le violon est crâne et l’archet un scalpel, musiciens, contez-nous le cerveau. » - puis de l’orientation de cet art vers une sculpturalité singulière, mais Déroulede ne l’a pas voulu.
L’occasion m’était pourtant heureuse, envisageant la musique aux points de vue abstrait et concret, à traiter de son avenir idéoréaliste, car, ne cessons de le constater, l’équilibre où se dirigent tous les arts jusqu’ici boiteux, c’est l’idéoréalisme, je veux dire le magnificisme.
En peinture, tenez, cet avénement est-il pas saisissablement préparé par l’impressionnisme (réalistes) et par le mysticisme (idéalistes) ? La peinture magnifique combinera, les parfaisant, la vertu de ceux-ci avec l’effort de ceux-là ; dès lors nous tomberons à genoux devant une vierge sortie des hommes par sa beauté descend de Dieu. Cet espéré peintre nous permettra d’habiter ses toiles ou bien d’en détacher les reliefs héroiques pour nous refaire une nature, une famille. Et nous serons enfin sauvés de la lèpre accrochés aux murailles !...
En attendant le jour où je pourrai développer ces points, que Charpentier et que ceux qui me lisent trouvent ici mes excuses !
Cordialement,
Saint-Pol-Roux.
Il nous revient parfois qu’après avoir été brutalement arrêtés, conduits à Mazas et gardés au secret préventivement pendant
plusieurs semaines, les compagnons Grave, de la Révolte et d’Axa, de l’Endehors, sont menacés de poursuites, sous l’inculpation d’avoir contrevenu, par la voie de la presse, aux articles 265 et suivants du code pénal, que voici :
265. Toute association de malfaiteurs envers les personnes ou les propriétés est un crime contre la paix publique.
266. Ce crime existe par le seul fait d’organisation de bandes ou de correspondance entre elles et leurs chefs ou commandants ou de conventions tendant à rendre ou à faire distribution ou partage du produit des méfaits.
267. Quand le crime n’aura pas été accompagné ni suivi d’aucun autre, les auteurs, directeurs de l’association, et les commandants en chef ou en sous-ordre de ces bandes, seront punis des travaux forcés à temps.
268. Seront punis de la réclusion tous les autres inidividus chargés d’un service quelconque dans ces bandes et ceux qui auront sciemment et volontairement fourni aux bandes ou à leurs divisions des armes, munitions, instruments de crime, logement, retraite ou lieu de réunion.
Il est inutile même de protester et de s’indigner : une fantaisie aussi grandiose ne peut avoir été imaginée que pour désopiler la rate de la bourgeoisie, facheusement obstinée depuis les derniers incidents.
P.Q.
On annonce, de Gabriel Randon, un roman-pamphlet, l’Imposteur, destiné, croyons-nous, à faire quelque bruit. L’auteur suppose la réincarnation, ou et plus théologiquement (Jésus-Christ étant monté charnellement au ciel) la re-venue de Jésus sur la terre, - croyance ou rêve que professent encore quelques Millénaires. Christ est ressuscité,- et il se promène à travers notre époque parmi des aventures identiques, des personnages identiques aux aventures et aux personnages évangéliques. Les temps sont les mêmes, les persécutions sont les mêmes, mais plus après et plus stupides : on applique le code pénal à sa seconde tentative de rénovation, on le poursuit pour ses prétendues violations présentes de la loi, et aussi -cela c’est une trouvaille - pour ses agissements de jadis. Que ne fera-t-on pas contre Jésus ? Sur la proposition de M. Quesnay de Beaurepaire, la prescription est abolie en ce qui le concerne, et, par exemple, avoir ressuscité Lazare, c’est, lui clame l’insigne procureur, s’être rendu coupable de violation de sépulture !
La peine de mort abolie de fait (en les temps proches que devance l’Imposteur), est rétablie spécialement à l'intention de ce gêneur - et c’est le crucifiement. La Croix se dresse sur les hauteurs de Montmartre : pour la seconde fois Jésus expie le crime d’avoir aimé les hommes.
La Bataille et le Mot d’ordre ont fusionné en la Marseillaise. Nous avons constaté avec plaisir que M. Camille de Sainte-Croix continue ses « lundis littéraires » au nouveau journal.
Notre confrère Jules Méry va passer en cour d’assises sous l’inculpation de je ne sais quel crime d’anarchie, sans doute
pour avoir, de complicité avec M. Melnotte, transporté le vieil Homère chez M. Paul Fort. Poésie, littérature, théâtre, préoccupation d’art, le plus sagace ministère public aura bien du mal à trouver autre chose chez M. Méry et son acquittement n’est pas douteux.
L’Echo de Paris commence dans son supplément littéraire la publication de l’Ecornifleur, de Jules Renard. Notons en passant que la censure de Russie arrêta au passage ce roman de notre collaborateur. - Vive l’Alliance franco-russe tout de même !...
M. Henri Mazel fait tirer à 550 exemplaires (500 sur beau papier, à 3 fr., et 50 sur papier de Hollande, à 5 fr) La Fin des Dieux, drame en prose qu’il publia naguère à l’Ermitage. Chaque exemplaire contient un dessin d’Alexandre Séon. Adresser les souscriptions à la revue de l’Ermitage, rue de Varrennes, 26.
Une intéressante affaire a été récemment jugée en police correctionnelle. M. Jogand, dit Léo Taxil, a poursuivi pour abus de confiance ses éditeurs, sieurs Letouzey et Ané, les accusant d’avoir fait tirer des éditions subreptices de plusieurs ouvrages et de l’avoir frustré d’environ 40 000 francs. Le tribunal, tout en reconnaissant les faits, a conclu qu’aucun texte du code pénal n’était applicable en l’espèce, et, renvoyant les prévenus, a condamné le plaignant aux dépens.
Ce jugement est assez grave pour les gens de lettres, puisqu’il annule, si l’éditeur est de mauvaise foi, tout traite fixant les honoraires dus à l’auteur selon le chiffre du tirage. Il est permis à un éditeur, qui vous accuse un tirage de 1.200, de faire en secret un tirage de 10.000 et de le vendre sans donner un sou. Cela ne constitue, à proféré M. de Boislisle, « ni le délit d’abus de confiance, ni celui de contrefaçon. ». En d’autres termes, malgré tout les traités, les exemplaires d’un ouvrage tirés par les soins et aux frais d’un éditeur appartiennent audit éditeur. Ces messieurs nous paient par pure bonté d’âme ; la loi les autorise à nous envoyer promener.
L’auteur a-t-il au moins un recours au civil, - et à quel prix ?...
Sur ses vieux jours, Mme Adam devient spirite, occuliste, magiste, astrologiste,- et comique. Elle veut voir la lune, et pante généreuse, a versé cent mille francs aux mains des successeurs désintéressés de Cornélius Agrippa. Titre de la revue qui émerge incessamment : La Lumière... Mais, un recueil spirite bien connu paraissant depuis plusieurs années sous ce même vocable, il est probable que Mme Adam ne s’entêtera pas à faire enfin flamboyer ce mot (qu’elle met depuis vingt ans sous le boisseau) : La Lumière.
Littérature des journaux. De M. Michel Delines (Paris, 3 mai) : « Non, la peur n’a jamais été et ne sera jamais un élément de progrès sociale. »