Echos divers et Communications septembre 1892

De MercureWiki.
 
Mercvre, « Échos divers et Communications », Mercure de France, t. VI, n° 33, septembre 1892, p. 93-96.



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ÉCHOS DIVERS ET COMMUNICATIONS
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Le Latin Mystique.


 L'ouvrage de M. Remy de Gourmont paraîtra le 20 septembre. La souscription sera close à cette date, à partir de laquelle l'exemplaire ordinaire se vendra 12 francs et les exemplaires de luxe (en très petit nombre d'ailleurs) à divers prix majorés. Le volume comptera 50 pages de plus qu'il n'avait été annoncé, soit environ 370 au lieu de 320. Nous récapitulons ci-dessous les souscriptions qui nous sont parvenues, et, en cas d'erreur ou d'omission, nous prions qu'on veuille bien nous en avertir sans retard.
 Exemplaires sur papier au gré du souscripteur (à 40 fr.): MM. Pierre Quillard, Octave Mirbeau, Mme B. de Courrière.
 Exemplaires pourpre-cardinalice (à 35 fr.) : MM. Jules Renard, François Coulon, Marpon et Flammarion (2 ex., dont 1 pour la librairie Marpon et Flammarion, H. Aubertin et Cie, de Marseille), Henry Hornbostel.
 Exemplaires violet-évêque (à 30 fr.) : MM. Pigeon (pour M. le Dr Monnereau), Meilheurat des Pruraux , Francis Poictevin, Alfred T. Swann, Jules Méry, Marcel Boulenger, Marpon et Flammarion (pour maison de Marseille).
 Exemplaires Hollande (à 20 fr.) : MM. A.-Ferdinand Herold, Gaston Danville, Jean Richepin, Ernest Chausson, Per Lamm, Mme H. de Bonnières.
 Exemplaires papier teinté (à 10 fr.) : MM. l'abbé Mugnier (2 ex.), Saint-Pol-Roux, P.-N. Roinard, Georges Landry, Alfred Vallette, Frederick Serrien, Jules Lemaître, de La Rochefoucauld, Maurice Maeterlinck, Defrenne, Courtin, Paul Mariéton, Emile Blémont, Paul Leclercq, G. de la Panouse, Théodore Child, R. Friebels, Alphonse Diepenbrock (2 ex.), Georges Rochegrosse, Georges Bonnamour, Albert Savine, Le Barc de Boutteville, Joseph C. du Parc, Louis de Saint-Jacques, Antonio de Oliveira-Soares, Lamertin, Raoul Minhar, L. Michelot, Antonin Bunand, G. Maurevert, Ary Prins, A Landry, Paul Poujaud, André Fontainas, Firmin Boissin, Vittorio Pica, Edouard Dubus, L. Ponet, Raymond Bonheur, P.-H.-G. Schultze, Hugues Rebell, Olivier de Gourmont, Stuart Merrill, Jonathan Sturges, Jean Lorrain, Gaulon, Albert Samain, Hugh Stewart, Edmond Bigaud-Kaire, A. Demare, Gabriel Vicaire, J. - Camille Chaigneau, Paul Desjardins, Maurice Barrès, Joseph Declareuil, Willem Witsen (2 ex.), Jean Casier, Georges Juéry, R. Génestal, Pierre-M. Olin, Paul Gérardy, Laurent Tailhade, François Alicot, L.-P. de Brinn'Garbast, Louis Dumur, Remi Pamart, Gaston Lesaulx, Maurice Le Blond, Auguste Vermeylen, l'abbé Lefoulon, P.-M. Armaing, Eugène Rouart, Henry Gauthier-Villars, Ch. Andry, Jules Destrée, J. Tible Machado, Louis Denise, Ernest Tissot, Edouard Aude, A. Valdivia, Léon Parson, J. Roumanille, Paul Debrou, Maurice Lacroix, Docteur de Vésian, Paul Dupray, Victor Barrucand, Charles Sluyts, M. Ballin et Jan Verkade.

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 Léon Cladel. ― Léon Cladel est mort le 21 juillet dans sa petite maison de Sèvres. Il était né le 22 mars 1834, à Montauban. Il fut un écrivain trop artiste pour pénétrer dans les masses, mais aucun des lecteurs de notre Recueil n'ignore son œuvre, et point n'est besoin de l'énumérer ici. Nous ne saurions mieux rendre hommage au talent de Léon Cladel qu'en reproduisant les lignes suivantes, extraites du discours que M. Emile Zola, au nom de la Société des Gens de Lettres, prononça au Père-Lachaise :
 «..... Pendant les trente années de son dur et glorieux labeur, il est resté fidèle à la terre d'où il était sorti, il a aimé les humbles et les souffrants qu'il avait coudoyés dans sa jeunesse. Ses héros préférés, ce sont les va-nu-pieds des champs et des villes, tous ceux que la vie sociale écrase ; ce sont aussi les simples, les grands et les tendres, dont chaque heure, dans la bataille de l'existence, est un héroïsme. Il les prenait parmi le peuple. Il leur soufflait l'âme naïve et forte des foules, il les faisait à son image ; car, même sous l'usure de notre terrible Paris, il avait gardé la simplicité et une tranquille grandeur. Il s'était mis véritablement à part dans notre monde littéraire....  .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .
 « ... Cladel n'a voulu être et n'a été qu'un écrivain. Seulement, être un écrivain, pour lui, exigeait une somme d'efforts surhumains, demandait une vie de conscience et de travail acharné, car il s'était fait du style une idée de haute perfection, hérissée de telles difficultés à vaincre qu'il agonisait à la peine. On raconte qu'il a recommencé, qu'il a récrit des manuscrits jusqu'à trois fois. La poursuite du mot juste le jetait dans des angoisses infinies. Tout devenait un sujet de scrupules, la ponctuation, le rythme des phrases et des alinéas. J'ai connu chez Flaubert ce tourment de la belle prose sonore, parfaite et définitive. Il n'en est pas de plus torturant ni de plus délicieux. Et cela devient d'un grand et superbe exemple, en nos temps de prose bâclée, de journalisme hâtif, d'articles fabriqués a la grosse sur des coins de table.
 « Le pis est qu'un si noble labeur n'est presque jamais récompensé du vivant de l'écrivain. Ces œuvres si soignées, si voulues, ne se laissent point aisément pénétrer par la foule. Leur beauté a besoin d'une sorte d'initiation, elles demeurent le culte d'une élite. C'est ce qui fait que Cladel n'a point rencontré les succès retentissants, les acclamations de ce Paris si prompt à s'engouer parfois. Je ne crois pas qu'il en ait souffert, car il avait le cœur solide et haut...  .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .     .  « ... N'était-ce point un spectacle fait pour étonner, ces œuvres où il ne glorifiait que les petits et les misérables, et qui n'allaient point à la foule, à l'immense peuple illettré ? Seuls, les poètes, les artistes, en sentaient le fin et puissant travail, les difficultés vaincues, la hautaine réussite. Il était un maître, il tenait tout un coin de notre littérature, il avait sa griffe de lion qui marquait chacune de ses pages. Dans cette petite maison de Sèvres, si simple, vivait à l'écart du grand public, adoré des seuls fidèles de la parfaite littérature, un des écrivains les plus personnels et les plus probes de la seconde moitié de ce siècle. »


 Léon Cladel avait de grandes sympathies et de ferventes admirations parmi la jeunesse lettrée. Mais pourquoi des gens qui n'en avaient point reçu mandat — et des moins autorisés — ont-ils à propos de cette mort parlé ou écrit au nom de la jeunesse littéraire ? Nous désavouons véhémentement les inepties dont ils composèrent leurs maladroits panégyriques.
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 18 août.
 Mon cher Vallette,
 Ceux qui ont lu ma bibliographie sur Comic-Salon savent avec quelle politesse, et quelle indulgence aussi, j'ai traité la personne de M. Willy. Ces quelques lignes m'ont valu des insultes de la part de ce monsieur. Supposant qu'il avait contre moi quelque haine et qu'en tout cela il ne cherchait qu'une affaire, P.-N. Roinard et Albert Aurier, nos amis communs, allèrent lui demander en mon nom soit une rétractation, soit une réparation. Il me refusa l'une et l'autre, s'expliquant dans une lettre à mes témoins, laquelle est un surcroît d'offense et contient, entre autres passages, celui-ci : « Les mépris de ce jeune homme n'ayant à mes yeux qu'une importance infinitésimale, j'aurais pu les négliger s'il n'avait cru devoir choisir, pour y loger sa première mercuriale, une publication à laquelle je collabore et précisément un fascicule qui contenait quelques pages signées de mon nom. »
 Jugez, mais passons.
 Je laisse aux gens de loyauté et de bonne éducation le soin d'apprécier la conduite de M. Henry Gauthier-Villars dans cette affaire, dont le dénouement a eu lieu dans un poste de police, où procès-verbal fut dressé contre moi pour avoir égaré ma canne dans l'œil bleu de mon trop timide adversaire.
 Je tenais à dire ces choses. Maintenant, je ne parlerai plus de M. Willy.
 Mon cher ami, je vous serre la main.
 Julien Leclercq.
 Je n'ai pas ici à prendre parti, mais je trouve dans le passage précité de la lettre de M. Gauthier-Villars aux témoins de M. Leclerq une inexactitude que je dois relever. Le principal grief de M. Gauthier-Villars consiste, d'après cette lettre, en ce que M. Leclerq aurait choisi, pour y publier la bibliographie de Comic-Salon, un fascicule où lui-même signait un article. Or, personne ici ne choisit le numéro où insérer tel ou tel compte-rendu de livre : c'est à moi seul qu'incombe ce soin. Je regrette d'ailleurs que M. Gauthier-Villars ait attribué une intention maligne à une simple coïncidence.
 A. V.
 Léon Bloy publie ces jours-ci à la librairie Demay, rue de Châteaudun, 21, Le Salut par les Juifs. Cette œuvre, malgré son titre, n'est pas douce aux Juifs, et ne l'est guère aux catholiques. Avec son audace isaïque, Bloy y annonce la venue du Paraclet, c'est-à-dire du salut, lequel doit issir de la race qui donna au monde son premier Sauveur.
 M. Charles Chincholle auteur de pantomimes, voilà qui est assez inattendu. Le théâtre de l'Ermitage, à la Fête Franco-Russe, en a pourtant représenté une, Pierrotin, de sujet point rebattu, de motifs souvent puérils mais non sans grâce. D'ailleurs, point de Colombine : simplement Pierrot et Pierrotin, son frère, — ou son fils. Car Pierrot ayant trouvé un gros œuf, le couve.... de passes magnétiques, et Pierrotin brise sa coquille et en sort tout vêtu — comme Riquet à la Houppe vint tout barbu au monde. Pierrot lui donne la becquée, lui apprend à marcher, l'initie aux joies de l'existence, et finalement l'enseigne si bien dans l'art de faire la fête que Pierrotin en meurt ; et son âme s'envole au ciel, ou en enfer, symbolysée par un pierrot pour de vrai, en chair et en plumes. Mlle Maguéra et M. Paul Franck ont mimé ce duo avec beaucoup de charme, accompagnés au piano, sur une agréable musique écrite par Mlle Maguéra, par l'excellent musicien Hirlemann.
 Un monument va être élevé à Charles Baudelaire au cimetière Montparnasse. Il sera exécuté par Auguste Rodin. Un comité, présidé par M. Leconte de Lisle, est constitué à l'effet de recevoir les souscriptions et de diriger la publication d'un volume qui portera ce titre : Le Tombeau de Charles Baudelaire, et sera vendu au profit de l'œuvre.
La livraison des Essais d'Art Libre à paraître le 15 septembre se composera de Lilith, par Remy de Gourmont ; ce numéro, de 100 pages environ, se vendra 1 fr. Il sera fait de Lilith un tirage à petit nombre sur divers papiers de luxe. — Les Essais d'Art Libre se proposent de publier successivement, de mois en mois et dans les mêmes conditions : un volume de poésies, par Albert Samain ; La Légende Rouge et Le Cantique des Cantiques(l'interprétation donnée l'année dernière au Théâtre d'Art), par P.-N. Roinard ; Les Esclaves, par Edmond Coutances ; Vieux Saxe, par Henri Mazel ; Pour le Beau, par Alphonse Germain ; Irénée, par G.-Albert Aurier.
 Mercvre.
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 Le Gérant: A. Vallette.
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 Paris. — Typ. A. DAVY, 52, rue Madame. — Téléphone.



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