Gratitude

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Saint-Pol-Roux, « Gratitude », Mercure de France, t. I, n° 12, décembre 1890, p. 424.


GRATITUDE


Par Toi j'ai plus appris que par les vastes livres
Dont les feuillets tournés éventèrent mon œil ;
Dans ton mystère brun j'ai ravi plus de vivres
Que le chacal n'en rapte à l'office du Deuil.

Ta céleste apparence est un docte lyrisme
Emmi lequel se tait l'enfer de ta beauté,
Maîtresse magnifique, histrionne du prisme
Qui bariole et meut ton sénestre côté.

Mais, mon sexe n'étant que l'écuyer baroque
De cet art suzerain d'apprendre le vivant,
Je voulus conjuguer un domaine équivoque
Et supputer les buts de ton désir mouvant.

Je dus m'éparpiller en diverses abeilles
Pour séduire les fleurs de tes jardins abstraits,
Et dus apprivoiser les tessons de bouteilles
Qui défendaient les grappes de tes vins secrets.

Longtemps je courtisai ta ténèbre jolie
À travers les quartiers de la double-unité ;
Conquise enfin, gîcla l'énigme ensevelie
Par ta pudeur native ou par ta charité.

Saint-Pol Roux.


 6 juillet 88.


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