La Mort du Roi

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Jean Court, « La Mort du Roi », Mercure de France, t. I, n° 7, juillet 1890, p. 241.


LA MORT DU ROI



À Maurice Baud



Le Roi dépossédé, sur la grève en tourmente,
Au désespoir des flots heurte le désespoir
De survivre à son sceptre, et de n'avoir point d'hoir
À qui léguer l'Épée et l'Armure Sanglante.

Par l'ouragan brutal qui violente la nuit,
Le Roi féroce rêve aux lointaines batailles,
Où, le corps balafré de géantes entailles,
Il noyait dans la pourpre son royal ennui.

Il rêve des Hérauts qui proféraient sa gloire
Sur des chevaux cabrés dans le vent meurtrier,
Tandis que les Clairons, dressés sur l'étrier,
Sonnaient à pleins poumons l'hallali de victoire.

Et c'est aussi l'horreur des crépuscules roux
Peuplés de grands corbeaux, dont les rostres tragiques
Fouillent les morts et les blessés cataleptiques
Parmi des Femmes qui sanglotent à genoux...

— À tout cela rêvant, et sans nulle épouvante,
Le Roi se dit que puisque tout est bien fini,
Puisque son peuple ingrat pour jamais l'a banni,
Il est temps de vomir son âme impénitente.

Et le triste Monarque aux points gantés de fer
Crispe ses doigts fatals au pommeau de son glaive...
Et, farouche, il mourut en hurlant sur la grève,
Dans la clameur sinistre et rauque de la mer.

Jean Court


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