La Succube

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Louis Denise, « La Succube », Mercure de France, t. I, n° 7, juillet 1890, p. 230.


LA SUCCUBE


Me voici : Je suis la blanche et la frêle
Qui chante en ton cœur, dans les soirs languides.
Le parfum discret de tes vœux me guide
En ton cœur, malgré les pudeurs rebelles.

Oh ! ne passe pas la main sur ton front.
Ne me chasse pas, comme un oiseau vil.
Tes désirs vainqueurs m'attendent. — Ont-ils
Oublié l'heure où nous nous aimerons ?


Les amantes sont très obéissantes.
Aux vibrations de tes sens j'arrive.
Autour de toi mes beautés fugitives
Dans l'air passent, et je chante, je chante...


Regarde mes seins laiteux, mes seins durs,
Mon ventre poli comme un plat d'or. — Va,
Tes yeux fermés ne te cacheront pas
Mes reins savoureux comme un beau fruit mûr.


Éclose au soleil noir de ta pensée,
Je suis dans tes yeux et dans tes oreilles :
Désormais, que ton cerveau dorme ou veille,
Mes cent formes seront tes fiancées.


Et tu sentiras mon torse lascif,
Dans l'écœurement des mauvais sommeils,
Rouler sur ton corps énervé, — pareil
Aux vagues baisant les rochers passifs.


Oubliais-tu donc le blasphème infâme
De tes rêves, parmi les Litanies ?
Vois, je suis la fleur de ton insomnie
Pleine de senteurs et de chair de femmes.


Or voici que le serpent de velours
Te broye en ses nœuds lubriques et doux,
Et que l'obsédant Eros crie et bout
Dans les cavités de ton crâne lourd.


Louis Denise.


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