A Alfred Vallette.
Lumière hypocrite
De lune d'hiver.
Ciel de Noël selon le rite,
Silencieux comme une mer
De glace...
Même voici l'étoile des Mages qui passe.
Alleluia.
Oh! les messes de minuit,
Quand j'étais petit! Féerie
Et candeur! La griserie
A cette heure m'en poursuit.
D'autres fillettes vont dire
Au petit Jésus de cire
Où leurs souliers roses sont,
Et se griseront, chers anges,
Des folles odeurs d'oranges
Qui flottent par la maison.
Jadis — comme une brise odorante s'en va
Ressuscitant d'un baiser plus frais qu'une haleine
D'enfant les fronts mouillés qui geignent dans la plaine,
Un magnifique espoir d'aurore se leva.
Or, comme on entendait par les airs des cantiques
Et que l'étoile avait des fascinations,
— Pâtres de la montagne et rois des nations,
Accoururent pour voir les rêveurs exatiques.
Le berger et le roi
Ont trouvé, dit-on. J'ai vainement cherché, moi.
Quoi donc? Une empreinte sur le sable?
Triste Moi haïssable.
Vous faites comme le coucou
Qui ne sait parler que de soi. Surveillez-vous.
Autrefois, mon enfant, ma fille,
Un trop bel espoir me poignait.
Si ténu je vis ton poignet!
Si délicate, ta cheville!
— Moins ténu que le sentiment
Mystérieux, hein! qui nous lie...
Oh! le mystère, ma folie!
Mon ami ! J'ai peur. Vous devenez fou, vraiment.
Allons ! Qu'importe, mon aimée?
Les frisons de ta nuque d'or
Sont plus subtils que la fumée
D'un brûle-parfum qui s'endort.
O ta nuque d'or parfumée!
Oui, dormez, mon esclave et mon vainqueur.
Dormez, voulez-vous ? là,sur mon cœur.
Depuis que la force éternelle
Qui du rien qu'elle couve en elle
Fait les désirs vivifiants
Et les germes impatients
Du Devenir pressé d'être un Présent instable....
Oh ! fi! Comme c'est convenable!
Depuis que l'archange inhumain
Des rencontres bisexuelles
M'a jeté sur votre chemin.....
Périphrases spirituelles
Et peu galantes.
Vainement
J'espère voir éclore à ta lèvre fleurie
Le verbe d'or qui renouvelle et déifie...
Lazare peut dormir tranquille maintenant.
Je ne sais pas...
L'amoureuse est bornée!
Fausse aurore, mon âme a froid.
Mon âme un jour par vous illuminée
S'étonne d'un soleil par qui l'hiver s'accroît.
Que veux-tu que je dise?
Hélas ! La parole incomprise
S'éteint comme un éclair en me brûlant le front.
Oh ! la brise d'été sous l'averse abattue!
Mon bel espoir est mort de ta négation.
Ami !...
J'ai froid, statue.
Ah ! pauvre cœur d'enfant maladif et chagrin,
Vous me feriez pleurer.
Des pleurs, c'est souverain!
O ta chair douce et parfumée!
Si limpide qu'on croirait voir ton âme au fond!
Si fraîche que l'on en boirait, — ô mon aimée!
Si brûlante qu'à la toucher mon cœur se fond!
O ta chair douce et parfumée!
Oui, dormez, mon esclave et mon vainqueur.
Dormez, voulez-vous? là, sur mon cœur.
Laisse les larves des noctuelles
Dévorer silencieusement,
Selon les coutumes rituelles,
Le mauvais fruit vert du sentiment.
Laisse l'essaim des mouches avides
Gronder son glas autour du fruit mort
Presque et miné de cavernes vides
Où la dent ne chôme qui le mord.
Parce que nulle main bienveillante
N'interviendra pour que le fruit las
Remonte à la branche défaillante.
Tu n'y songes pas ? — N'y songe pas.
Un mauvais écho sous mon crâne grince.
Je voudrais n'être auprès de toi que pour mourir.
Qui souffrirait pour moi, si vous mouriez, mon prince,
Beau prince taciturne et si lent à dormir?
Les rêves les plus beaux trouveront-ils leurs formes?
Verra-t-on l'incarnation de nos espoirs?
Etre ! Pensée ! ô Normes!
S'uniront-ils jamais ? — Papillons noirs!
Des plages où c'est le printemps toute l'année,
Où la lumière, belle fille, en des ciels bleus
Toujours, se pâme et rit à gorge abandonnée,
J'ai fait venir les fleurs frêles au cœur frileux,
Pour effeuiller à tes pieds leurs coroles vierges,
Comme un enfant de chœur aux fêtes de l'été.
Et mes yeux sont les cierges
Qui veilleront jalousement sur ta beauté.
Hélas! mes triomphantes gerbes!
Pourquoi les effeuiller ainsi, dites, méchant?
Et puis on peut glisser en marchant sur ces herbes ...
Allons, bon! Vous pleurez, à présent? Quel enfant!
CHŒUR DES ENFANTS QUI REVIENNENT DE LA MESSE
Quand nous serons enfants de choeur, bientôt,
Nous aurons des robes écarlates,
Et nous gènufléchirons en tenant la chape
Des grands vieillards sacerdotaux
Dont les paroles latines
Montent vers le petit Jésus
Qui sourit, les bras tendus,
Dans les chapelles byzantines.
Alleluia.
Louis Denise.