Le Vaisseau chinois

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Louis Dumur, « Le Vaisseau chinois » , Mercure de France, t. I, n° 9, septembre 1890, p. 312.


LE VAISSEAU CHINOIS



Dans la mer Jaune un blanc navire,
Porteur de deux ou trois péchés,
Bien innocent mais bien coupable,
Par l'ouragan s'est vu léché.

Il avait bien toutes ses voiles,
Son gouvernail et ses agrès :
Il a lutté, louvoyé, crâne
Sous l'aquilon qui l'égarait.

Jouer des vagues hypocrites,
Il a subi des calmes plats ;
Pour horizon de grandes lunes
S'écarquillant dans des cieux las.

Il a heurté bien des rivages
Au cours de ses nombreux chemins ;
Et ces pays plus ou moins drôles
Lui furent plus ou moins humains.

Après avoir erré sans suite
Sur l'océan tranquille ou gros,
Perdu ses mâts, troué sa coque
Contre des îles de coraux :

Un matin sombre, entre deux lames
Subitement il a coulé,
Laissant sur l'eau, pour seule trace,
Un léger trou sitôt comblé.

En somme, son hardi voyage
N'eut d'autre utilité, ni plan,
Que d'avoir mis, plaisant caprice,
Sur la mer Jaune un vaisseau blanc.

Louis Dumur.

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