Les Élus

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Jean Court, « Les Élus », Mercure de France, t. I, n° 1, janvier 1890, p. 19.


LES ÉLUS




À Charles Morice



Parmi le vil bétail qui veule s'abandonne
Aux remous de la Vie impure et monotone,
Les Élus du Futur songent d'Éternité.



Leur cœur est triste et vaste et nu comme une grève
Qui subit les assauts multipliés sans trêve
D'un océan brutal sous un ciel irrité.



Sachant que toute lutte est mauvaise et stérile,
Ils dédaignent, hautains; la huaille scurrile
Qui geint à leur poursuite et les mord aux talons.



La nuit, sous le regard des lunes léthargiques,
Ils appareillent vers les îles nostalgiques,
Où leur ment le mirage des rêves félons.



Mais pour avoir gardé la foi dans les oracles
Des anciens jours, ils vont attestant les miracles,
Et voguent sur le dos ondé des flots amers,



Les yeux levés vers la cité splendide et sainte
Qu'ébaucha leur espoir, sous un dais hyacinthe
Au rivage inconnu des écumeurs de mers.




Jean Court

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