Les Aumônières

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Pierre Quillard, « Les Aumônières », Mercure de France, t. III, n° 23, novembre 1891, p. 269


LES AUMONIÈRES

Au Docteur A.-F. Plicque.


  Sur la grève qu'avaient souillée
  Les conquérants et les héros,
  Près de la mer pacifiée
  Pleine de frissons auguraux,

  Des poings perdus dans les crinières
  De leurs chevaux roses et blancs,
  C'étaient les bonnes aumônières
  Qui reviennent tous les mille ans.

  Cymodoce, Aglaure, Euryanthe,
  Au caprice d'un galop fou,
  Elles passaient : leur flamboyante
  Chevelure brûlait leur cou.

  Lèvres plus douces que la soie
  Et plus divines que les cieux,
  Elles chantaient un chant de joie
  Vers l'Océan mystérieux.

  Tandis que vibraient des abeilles
  Autour des étalons loyaux,
  Elles plongeaient dans des corbeilles
  Leurs bras riches de lourds joyaux,

  Et brandissant leurs mains sacrées,
  Douces aux yeux voilés de pleurs,
  Parmi les vagues empourprées
  Semaient des rires et des fleurs :

  Car les corolles millénaires
  Éparses en vol d'Orient
  Calment les antiques colères
  Et charment le triste Océan.

Pierre Quillard.


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