Les Illusions perdues

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G.-Albert Aurier, « Les Illusions perdues », Mercure de France, t. I, n° 7, juillet 1890, p. 228-229.


LES ILLUSIONS PERDUES

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 Sur tes cheveux, flots indulgents couleur de soufre,
 Où rôdent des parfums graves d'héliotrope,
 Ainsi que sur un Océan berceur, oh ! souffre
 Que navigue mon Cœur, loin des golfes d'Europe !...


 Mon Cœur, vaisseau spectral, dont la quille broyée
 Est rouge encor du sang des antiques batailles,
 Vaisseau, dont la mâture énorme, foudroyée,
 Se tord, en l'appel vain des blanches funérailles !


 Mon Cœur, vaisseau privé des propices étoiles,
 Qui soupçonne les dents des roches acérées
 Et dont un vent hurlant gonfle et ronge les voiles
 Que les boulets des vieux combats ont lacérées...


 Mais tu n'as point pitié du navire qui souffre
 Et qui voudrait s'enfuir, loin de golfes d'Europe !...
 Et voilà que tes beaux cheveux, couleur de soufre,
 Hélas ! grisent, déjà, le parc, d'héliotrope !....


 Sois, pitoyable !... En ce bateau plein d'agonies
 Sanglote un équipage étrange et lamentable
 De Squelettes moisis, venus des Gémonies,
 Et de Faunes, plaignant la glace indubitable !...


 Sois bonne !... Vois : les uns, de leurs orbites vides,
 Pleurent le souvenir des vieilles Conjonctures,
 Les autres, vers l'azur tendant leurs bras avides,
 Implorent les baisers chauds des Rives Futures !...


 Sur tes cheveux, flots indulgents couleur de soufre,
 Où rôdent des parfums graves d'héliotrope,
 Ainsi que sur un Océan berceur, oh ! souffre
 Que navigue mon Cœur, loin des golfes d'Europe.


 Le rhythme lent et câlineur des blondes vagues,
 Leurs effluves doux comme une brise d'automne,
 Berçant mon Cœur, lui chanteront des chansons vagues
 Sur un vieil air, un air très vieux !...Si monotone !…


 Et cela calmera le désespoir, sans doute,
 Des Squelettes hurleurs et des avides Faunes
 Dont les pleurs, ruisselants et sanglants, goutte à goutte,
 Voudraient tomber, chère Toison, dans tes flots jaunes....


 Mais tu n'as point pitié du navire qui souffre,
 Et qui rêve s'enfuir loin des golfes d'Europe !....
 Et voilà que tes beaux cheveux, couleur de soufre,
 Hélas ! grisent, déjà, le parc, d'héliotrope !....

G. Albert Aurier.


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