LES LIVRES(1)
Histoire Générale de la Vélocipédie, contenant plus de 150 gravures, estampes anciennes, caricatures anglaises et françaises sur la vélocipédie, dessins spéciaux des machines employées depuis trois siècles, — par L. Baudry de Saunier, préface de Jean Richepin (P. Ollendorff). — Voir page 298.
Chantefable un peu naïve. (Sans nom d'auteur ni d'édition). — L'auteur de ce livre au titre si peu significatif s'est fait du poète une idée à la fois très hautaine et très modeste : le Poète, c'est celui qui chante derrière un triple voile, sans que la foule lui puisse faire l'hommage — injurieux, peut-être, après tout — de la joie qu'elle ressent à l'ouïr. Me pardonnera-t-il de déchirer à mon tour, après quelques autres mécréants, l'ombré sacrée où il se réfugiait et de lui dire : « Cygne qui te voudrais anonyme, tu t'appelles Albert Mockel. »
Il ne faudrait point sur la foi du mot Chantefable s'imaginer qu'A. Mockel soit un précurseur de la très précieuse école romane : il veut simplement indiquer par là que son œuvre est mélangée de prose et de vers. Mais le vocabulaire n'a rien d'archaïque, et, malgré la volonté bien évidente d'être simple et ingénu, rien ne rappelle ici la gaucherie médiévale et le sauvage désordre des longues gestes : premier regard émerveillé des enfants vers les choses coutumières, émoi de l'adolescent qui se sépare presque avec angoisse des heures puériles, lutte dans le cœur du jeune homme entre la douce sollicitation d'amour et le désir d'être un triomphateur dans l'universelle mêlée, puis, après les inutiles batailles, la venue vers la Petite Elle, aussi vaine, et enfin, à la suite des Voix qui parlent en nous-mêmes, la recherche de celle dont toutes les autres ne sont que des reflets et qui s'évanouirait aussitôt contemplée et l'intuition presque divine qui se crée un monde de lumière et de gloire, telle, en une série de poèmes, se développe avec
le nécessaire caprice des variations une histoire d'âme.
Je crains seulement que la naïveté ne s'y rencontre point, sauf sur la couverture du livre, et pour ma part je n'y vois pas le moindre mal ; la prétention d'être simple ne peut-être, maintenant, qu'une extraordinaire facétie ou le signe d'une monstrueuse perversité : ainsi une courtisane usée qui se grimerait en Agnès. L'art d'Albert Mockel est des plus complexes qui soient, tant qu'il devient parfois obscur. Je ne parle pas seulement de la langue, qui est en général assez claire et accessible au commun des mortels (et cependant, il faut bien au moins condamner un étrange emploi de participes passées accompagnés d'un pronom réfléchi : « à dire les mains aux bouches s'unies ») ; il en est de même du rhythme. La place me manquerait pour discuter cette difficile question du vers polymorphe. J'admets donc en principe la technique adoptée par A. Mockel. Mais alors il faut s'entendre et je demanderai que l'alexandrin — le vers type pour les poètes traditionnels — n'apparaisse qu'exceptionnellement, tandis qu'ici, neuf fois sur dix, tous les autres mètres employés ne sont que la résolution ou l'extension de ce vers type. Je ne vois plus alors pourquoi le renier et l'usage des rhythmes libres prend un caractère d'arbitraire qu'il importerait d'éviter. Ainsi tels vers, fort beaux par eux-mêmes, rompent ici l'unité d'effet par le ressouvenir des musiques régulières, tandis qu'ailleurs le charme provient uniquement d'harmonies nouvelles, obtenues par des allitérations et des assonances. Mais si j'oublie un instant cette analyse esthétique meurtrière de toute joie, des vers comme ceux-ci m'agréent infiniment et ma peine est que ce soit peut-être contre le vœu du poète :
Je cherche le sourire élu par mon sourire,
l'aigue jaillie ainsi que l'épuise ma lèvre,
et mon rêve est aussi de chose disparues
et vivre, et les soupirs d'aimer, et je voudrais
dire à l'Amaryllis les mots de mon rêve.
N. B. La Chantefable d'A. Mockel est précédée d'un prélude musical que je ne saurais apprécier avec compétence.
P. Q.
Chansons d'Amant, par Gustave Kahn (Lacomblez, Bruxelles) ; — Le titre du volume indique assez combien l'unique sujet choisi par M. Gustave Kahn est familier aux poètes de tous les temps. Aussi faut-il louer sans réserve l'absolue nouveauté avec laquelle l'auteur a su revêtir sa pensée. S'abstenant rigoureusement de toute manière directe de traduire ses sentiments ou ses idées, il les a perpétuellement suggérées en de symboliques poèmes. Ceux-ci sont parfois de véritables drames, où, parmi de féeriques et significatifs décors, les nuances d'un seul état d'âme s'incarnent en divers personnages, qui agissent et dialoguent selon l'intensité ou la lueur de vie qu'il a été esthétiquement nécessaire de leur attribuer. Ces personnages ont le geste surtout hiératique et le verbe d'une rare splendeur, témoin cette strophe :
Sous les averses des soleils, les mystiques tambourins,
devant ses pas heureux, psalmaient les annonciateurs
et les bannières des nuées et les arômes de la mer,
et les voiles, grand lys de mer, et les calmes de la mer,
et les senteurs des haies, et les cortèges en ferveur
préparaient les portiques à sa démarche aventurine.
Cependant, non loin de tels fastes se rencontrent d'exquises simplicités comme celles-ci :
Je rêvais d'un oiselet
qu'un enfant cruel torturait
pour sentir palpiter ses flancs.
Je rêvais d'une terre comme maternelle
avec des siestes d'ombre et des frolis d'ailes
et des allées de rêves blancs.
Je rêvais comme d'une sœur
aux lèvres uniques de douceur
et belle et chaste et femme et sœur.
Il est presque inutile de terminer cette trop courte note en ajoutant que la nouvelle œuvre de M. Gustave Kahn est écrite en vers et strophes libres, d'après des lois que le premier de tous, dès 1886, il a nettement posées, et qu'ont inventées depuis, à les en croire, bon nombre d'un peu bruyants imitateurs.
E. D.
Souvenirs entomologiques. (Quatrième série.) Études sur l'instinct et les mœurs des insectes, par J.-H. Fabre. — C'est, ici, une revue trop spécialement de littérature pour qu'il puisse être insisté sur ce livre, — dont le titre modeste dit mal l'intérêt et la portée philosophiques. L'auteur est le redoutable et l'irréfutable adversaire des darwinistes : cette série porte à plusieurs centaines les observations, prises sur les insectes et diverses bêtes, d'actes impossibles à expliquer
par la méthode de l'évolution. Il y est montré qu'en telles bestioles une intelligence et une science parfaites de leur métier d'ouvrières coexiste avec une stupidité absolue pour tout ce qui n'est pas le travail nécessaire et inéluctable de la conservation de l'espèce ; il y est montré encore que l'accomplissement de ces actes, d'apparence régis par une intelligence et au fond mécaniques, ne doit rien à l'éducation, puisque chez les insectes les parents meurent avant même l'éclosion des œufs. Ce livre va très loin, et M. Fabre apparaît comme un des rares savants de ce temps doués du sens philosophique et aptes à émettre, en une langue qui n'est pas mauvaise, des idées qui ne sont pas médiocres.
R. G.
Vers l'Absolu, par Benoni Glador (Léon Vanier, éditeur). — Les vers de ce volume ne sont ni mauvais ni bons, ils sont médiocres. Rimés et rhythmés suivant le mode parnassien, ils engoncent indistinctement les sujets les plus disparates. Les épithètes banales s'y marient avec des images neuves il y a tantôt vingt ans. Le tout est dans ce ton :
Sur les calices purs, tout pesants de rosée,
Que les grands lys rêveurs balancent au soleil,
L'Aurore promenant un long baiser vermeil
Fait pâmer leur blancheur sous sa lèvre rosée.
Pour comble d'originalité, M. Benoni Glador a cru nécessaire de terminer son volume par une sorte de poëme dialogué : Le Graal, où il a imité en conscience les menus défauts qui se rencontrent dans l'exquise Fille aux mains coupées de M. Pierre Quillard.
E. D.
Ægyptiacque, par William Ritter (Savine). — Une diffusion savante des gammes chromatiques dans un style à la gouache très rehaussée d'or. Roman-peinture par le soin des détails clairs-obscurs et les tons vifs des toilettes de femme, qui sont longuement, amoureusement décrites. Roman-sonate par tous les accords plaqués au début de chaque symphonie littéraire. C'est peut-être aussi une orgie de tout ce qui est susceptible de flatter les névroses wagnériennes ; mais quand il n'y a pas qu'une histoire d'amour, il faut bénir l'auteur. Trame légère, comme arpégée sous une broderie fantastique de motifs captivants. Une fille naturelle de Liszt s'éprend d'un pauvre pianiste. L'amoureuse est un corps si l'amoureux est un cœur, de là le désenchantement final et le mariage bête avec un autre virtuose... du nerf. A noter une symphonie en or majeur d'une rare beauté d'exécution (Et, du reste, pourquoi pas la harpe des couleurs après la flûte à parfums !...), et un singulier portrait moral du grand Rubinstein.
***
Le Serpent de la Genèse, Livre I, Le temple de Satan, par Stanislas De Guaita (Librairie du Merveilleux). — Ce livre, de tout point remarquable, mérite mieux qu'une simple mention bibliographique. Aussi une étude complète lui sera-t-elle
consacrée dans un prochain numéro du Mercure. Il importe en attendant de le signaler à l'attention de tous ceux qui veulent apprendre chez un auteur absolument initié, rigoureusement informé et soucieux d'écrire en belle langue française, quelque chose des problèmes les plus obscurs et les plus captivants de la magie noire. Les lecteurs de Là-bas trouveront à la fin de l'ouvrage des révélations troublantes sur l'un des personnages les plus mystérieux du roman de M. Huysmans.
E. D.
Il ne faut pas mourir, par Jules Bois (Librairie de l'Art Indépendant). — Dialogue entre Psyché et l'Esprit : — l’Âme humaine et Dieu. Psyché, « lasse jusqu'au dégoût » de son état, voudrait n'être plus, convoite ardemment le néant. « Le rêve stable de primitive harmonie — ce souvenir de l’Éden, — qu'en reste-t-il au milieu de ces perpétuelles renaissances pour une proche mort?... L'immuabilité qui lui semble chimérique dans le Bien et l’Être, elle espère l'atteindre dans l'ombre vide du Rien. » Mais l'Esprit guette sa défaillance. Et « ce ne sera plus la sublime mais lente ascension par le Christ. Ineffable, l'Amour se révèle ». L'Esprit pénètre Psyché, « emportée bientôt dans le vertige du divin ». Et qu'elle « ne redoute plus d'être quittée : la prière est le grand rite magique par lequel on conquiert Dieu ». — Les phrases citées sont extraites d'une Glose qui accompagne le poème, car le dialogue est en vers — et je le regrette. Je voudrais que le vers ne servit qu'à la suggestion de l'inexprimable. Or, rien de ce que dit ici M. Jules Bois n'est inexprimable en une prose rythmique, harmonieuse et souple — où ne voisineraient point nécessairement, un peu comme dans les romances, les mots : amour et jour, femme et flamme (p. 15) : la majestueuse gravité des sujets où se plaît l'esprit de M. Jules Bois s'accommode mal de ces petites faiblesses.
A. V.
Un Poète inconnu de la société de François Villon. — Le Grant Garde derrière, poème du xvme siècle publié avec Introduction, Glose et Index, suivi d'une Ballade Inédite de François Villon à sa dame, par W.-G.-C. Bijvanck (Honoré Champion, libraire). M. Bijvanck, d'abord, avoue franchement qu'il hésite à rapprocher — de trop près — son poète sans nom de Villon. Mais, pour qu'on lût cet échantillon d'un poète inconnu du xvme siècle, l'étiquette avait son importance. Qu'est-ce qu'un grant garde derrière ? « La maîtresse du poète, du moins il le croyait, avait un arrière garde, un amant secret, qui entrait par quelque porte dérobée. Cette presque certitude exaspérait le poète, au point qu'un jour, excité par ]'exemple de Villon, il voulut crier sa propre honte à la face du monde et bravement jeta ce titre sur le papier : Le grant garde derrière. »
Il est, en plus d'un point, exquis, ce poème, et il faut vivement remercier M. Bijvanck de nous l'avoir fait connaître.
C'est plein de moderne, ces vieilles choses. Ecoutez le poète rappeler ses insuccès de danseur :
Un petit jars danse selon le temps.
Qui se tricote au stile de la court ;
J'en suis ouvrier, mais je tourne trop court.
. . . . . . . . . . . . . . .
. . . Je ne sçay saillir les piez ensemble.
A quoy tient-il que tout le cueur me tremble,
Quant il me faut danser les quatre pas ?
Il continue :
Bien pert sa peine, qui se mesle d'amer.
En retour d'un bienveillant regard de sa maîtresse il baise jusqu'au seuil de la porte :
Mais c'est sans feuille, bec à bec, nu à nu !
S'il fait crotté, j'en rapporte une moue,
Dieu sache quelle, — toute pleine de boue.
Il fait mieux : il garde la crotte comme une relique.
Il n'aime pas qu'un autre se mette en travers de son chemin, et fièrement :
Quant un autour son gibier a marché,
Ce n'est raison qu'un buisart le luy tolle :
Arrière, escoufle, depuis que l'autour vole.
Mais ne déflorons le poème que juste assez pour en donner le goût. M. Bijvanck complète sa brochure avec une ballade inédite de François Villon à sa Dame. Il se réserve de donner plus tard les preuves de son authenticité. « Moi-même, ajoute-t-il, j'eus le bonheur, il y a quelques années, de trouver deux ballades, qu'il était impossible de récuser parce qu'elles portaient sa signature en acrostiche dans leur envoi...... Quant à la valeur de la petite découverte, même à un point de vue simplement biographique, elle était bien mince. Pour Villon rien n'était changé, il y avait seulement deux mauvaises poésies de plus. » — Faut-il dire : trois?
J. R.
Hedda Gabler, drame en 4 actes, de Henrik Ibsen, traduction de M. Prozor (Savine). — Hedda Gabler est une petite fille orgueilleuse et ambitieuse ; elle a soif de vivre une vie active de bourgeoise cossue, de femme coquette et libre, d'héritière jalouse; tout lui sera marche-pied, moyen de parvenir. Son mariage avec Tesman — un jeune homme blond, à lunettes, qui écrit sur l'industrie domestique au moyen-âge, dans le Brabant, et semble tout de suite un imbécile — a été une affaire de calcul ; elle est fille d'un général et veut tenir son rang ; Tesman était le plus sérieux de ses prétendants ; il sera nommé professeur et touchera de grosses sommes ; Hedda songe même un moment à le pousser vers la politique ; elle donnerait des soirées, aurait son cercle d'adorateurs
et d'intimes, des domestiques, cheval et voiture; mais Tesman a si peu de moyens! Tout cela avorte et tourne au grotesque. — Henrik lbsen a voulu montrer qu'il n'était point d'union possible entre gens de castes différentes, de milieux divers. — Hedda, fille orgueilleuse, volontaire et fantasque, a mal à l'âme, s'ennuie à mourir; elle n'aime rien ni personne de ce qui l'entoure. Exaspérée encore par un état de grossesse, la voilà condamnée à vivre intimement près d'êtres qu'elle méprise presque, d'êtres odieux et ridicules, d'êtres qu'elle estime inférieurs et qui l'assomment de leur tendresse et de leur sollicitude. - A la fin, elle se tue pour ne pas tomber aux mains de l'assesseur Brack, un vieux beau, l'ami du mari, qui profite de la première occasion et veut se faire accepter comme amant. Elle se serait peut-être donnée, par ennui et lassitude; son amour-propre se révolte à l'idée d'une contrainte.
Les personnages de ce drame, on doit le remarquer, sont d'ailleurs insupportables surtout à Hedda, qui ne se résigne point, qui n'en a, sans doute, pas même la pensée. Les tantes de Tesman apparaissent comme de bonnes vieilles qui se sacrifient pour l'aisance du nouveau ménage; Tesman, égoïste et pusillanime, qui ne voit rien au-delà de ses petites paperasses et s'effare d'un concurrent pour la chaire de professeur qu'il convoite, est un caractère doux; il a bon cœur et s'attendrit quand on lui rapporte d'anciennes pantoufles. Loevborg, le concurrent, est un cerveau fêlé, un utopiste ivrogne qui serait presque sympathique; son Égérie même, Théa, l'inspiratrice aux cheveux d'étoupe, un type curieux des milieux littéraires du nord, peut se dévouer et prétendre au romanesque. — Mais quoi, chacun découvre un côté de ridicule, un trait caricatural que l'aristocratie énervée d'Hedda n'accepte pas. Elle dépérit dans leurs bonnes intentions, parce que personne ne cherche à la comprendre, à l'aider dans la vie, à lui montrer la route qu'il faudrait, et se tue de dégoût — avant toutes choses — de rancœur, de spleen, dans la désespérance du lendemain.
Bien d'autres aspects seraient à signaler dans la nouvelle œuvre d'Ibsen, mais il faudrait dépasser la mesure d'une note bibliographique. En somme, c'est là du bon théâtre et très jouable, à côté du grand poème décoratif. On a parlé de monter Hedda Gabler au Vaudeville ; l'aventure serait amusante; le public ne comprendrait pas; la presse dirait des bêtises; M. Sarcey, encore une fois plongé dans la pluralité de la stupéfaction, nous servirait une de ces joyeuses chroniques dont il a le secret. — Pour nous, ce serait le cas de reparler de cette pièce curieuse et de l'étudier plus longuement.
C. Mki.
Représailles, par George Bonnamour (Savine). — Psychologie de femme et de jeunes grands mondains à la Bourget. Livre cependant personnel par la forme très froide, comme discrètement analytique, de M. Bonnamour, qui
semble, de ci de là, avoir peur de ses propres fougues. Juliette surprend son mari dans les bras d'une cabotine à crinière rousse; elle croit se venger en tombant assez piteusement sur la poitrine large d'un viveur, lequel cueille les femmes pour le seul plaisir de grossir son bouquet. A côté de ce drame, déjà suffisant, des aperçus, des esquisses, des portraits pris dans le monde politique et artistique. Des luttes fiévreuses sur le terrain du combat pour l'amour et des orages dans le ciel parlementaire. Le type de Vimeuse, un écrivain fils et frère de fille, est d'une jolie perversité contenue, intéressant par ses brusques tressauts d'honnêteté, ses rechutes dans la volupté, ses folies cérébrales, le garçon intelligent que les abjections détraquent tout en lui étant nécessaires. A la fin du livre, quelques lignes vraiment belles et bonnes, poignant et consolant à la fois comme ces mélancoliques paysages du nord de l'Angleterre où tout est d'un ordre grandiose et en même temps voilé de brumes morale de l'œuvre qui s'enveloppe d'un scepticisme élégant.
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Les Principes supérieurs, par J. Camille Chaigneau. (Librairie des sciences psychologiques). - Les spirites considèrent dans l'homme trois principes: 1° le corps; 2° le périsprit, 3° l'esprit. Les occultistes, Kabbalistes ou bouddhistes, en reconnaissent sept. M. Chaigneau, dans une remarquable étude, où il emploie successivement la méthode analogique et la méthode expérimentale, établit que les spirites et les occultistes sont, au fond, absolument d'accord, les premiers comprenant sous une seule dénomination des éléments dont les fonctions sont analogues, mais que distingue l'analyse plus minutieuse des seconds.
E. D
A toute volée,par Marc Stéphane (Savine). — Des nouvelles faites de chic sur des sujets bien étranges, tels que l'introduction d'une écrevisse dans le pantalon d'une jeune personne. Du musc, du patchouli; par instant, des illogismes de bas-bleu et des outrances de collégien qui a peur de ne jamais en dire assez. Une citation au hasard : « Ma gigolette était une brune toute frisée et gamine, qu'avait poussé su' les fortifs comme un champignon dans de la merde.»
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Idylle russe, par Dolguine, traduit par X. Kouprianoff et J. Couturier (Paris, Gazette Critique). — Une des mille formes de la niaiserie sentimentale et de l'accouplement gallo-slave; de la littérature pour les demoiselles, avec des petites fleurs bleues et des fautes de français; une préface d'une bêtise alarmante, mais point factice, déclarant par exemple ceci :
« La note sympathique qui est apportée par Nastia sera certes goûtée, les lecteurs s'éprendront de cette héroïne charmante et plus d'un regrettera de n'être point à la place de Dimitri...
« Le vœu sincère des traducteurs comme de nous-même
est que ce volume dans sa petite sphère d'action ressèrent (sic) les liens qui unissent les deux peuples...
« Vive la France!.. Vive la Russie!.. »
Allons, tant mieux; jeunes filles, allez en paix, — et que les journaux de modes vous soient propices.
C. Mki.
(1) Aux prochains fascicules : Henry Pivert (Fernand Clerget) ; Sainte Rosalie-aux-Bois (Ouida) ; Nos Frontières de l'Est (Gaston Démassue) ; Vers de l'espoir (Maurice Desombiaux) ; Roi de théâtre (G. du Vallon); Fleurs de Caprices (Henry Fuzeré) ; La dernière « réimpression » de M. Émile Zola (Émile Redard) ; et les livres annoncés antérieurement.
Nous rappelons aux auteurs et aux éditeurs qu'il n'est rendu compte que des publications récentes.
De Nieuwe Gids (Amsterdam. — Suite des intéressantes études de M. van Eeden sur les nouveaux prosateurs anglais: Whistler, Walter, Pater; — Afrodite, poème par M. Boeken; — analyse et commentaires, par M. Yan Deyssel, du Là-bas de Huysmans: « Ni poème en vers, ni poème en prose; c'est une libre causerie, une suite de discussions écrites en Un style artistique » (octobre).
Gazzetta Letteraria (Turin). - M. Lenzoni étudie Carducci, en lequel il reconnaît un classique, un poète qui ajouta l'érudition à son génie naturel, un de ceux en somme que le public admet sans les comprendre : la partie la plus choisie du public en est toujours aux guitaristes du XVIIIme siècle, et Métastase ne fut jamais détrôné. Lire Stendhal, âme tellement italienne qu'il donne encore aujourd'hui un bon résumé des goûts italiens — distingués (26 septembre et 3 octobre).
Cronaca d'Arts (Milan).- De beaux vers de M. Rapisardi, l'Isola; du Lamartine (27 septembre).
Critica Sociale (Milan). — Cette courageuse revue s'est attiré, à propos de la « cara patria », l'indignation du professeur Martinozzi, de Livourne. Elle réplique en promettant une étude de cette question — dangereuse, et veut bien faire remarquer qu'il est des écrivains que l'on peut frapper, mais dont on ne tirera jamais aucune palinodie ni aucun consentement à gratter des cordes usées sur le ventre des vieilles harpes (30 septembre).
Mélusine. — La Belle dans la tour, restauration, ingénieuse, savante, mais ultra-hasardée, du texte primitif de cette ballade populaire. (octobre).
L’Étoile, kabbale messianique, socialisme chrétien, spiritualisme expérimental. — Organe de la religion intitulée Jhounéisme ou Rocaïsme.; on n'est pas encore bien fixé. Voici le programme du culte pour la présente période :
I. Elévation fraternelle 'vers Dieu;
II. Invocation aux esprits supérieurs;
III. Union par les fluides.
(Le 13 octobre, de midi au soir.
Le 1er novembre, de midi au soir).
Pour tous renseignements, s'adresser au secrétaire de l’Église, M. Jules Bois.
La Curiosité Universelle. — Journal hebdomadaire intéressant les collectionneurs, les bibliophiles, etc. J'y ai relevé une note curieuse sur la jeunesse de Watteau et ses premières œuvres avant qu'il n'eût quitté Valenciennes.
Revue Générale (Bruxelles). — « Certes, il faut une étrange audace, ou bien une inconscience plus étrange encore, pour oser signer d'un nom d'homme un livre qui porte comme titre ce seul mot : Dieu. » Il s'agit du dernier livre de Victor Hugo; que Paul Adam réfléchisse, — il est encore temps.
Revue Philosophique, dirigée par Th. Ribot. — M. Ribot donne les résultats de son Enquête sur les idées générales. La question à résoudre était celle-ci : « Lorsqu'on pense, entend ou lit un terme général, qu'y a-t-il en sus du signe, dans la conscience, immédiatement et sans réflexion? » L'enquête a porté sur des mots tels que : chien, animal, couleur, forme, justice, bonté, loi, temps, force, rapport, infini, etc. Au prononcé de ces mots, les uns voyaient une image; les autres voyaient le mot typographié; les autres réentendaient le mot comme en écho; les autres — rien. Il ressort de là que dans la moitié des cas à peu près, le terme général est accompagné d'une représentation quelconque : c'est la classe des esprits concrets, qui pensent par images. L'autre série, celle du rien, est celle des esprits abstraits : alors le travail cérébral nécessaire a comprendre le mot se fait en dessous de la conscience, et le résultat seul de ce travail arrive à la conscience.
Quelques réponses : Cause : un signe arithmétique; loi : juges en robe rouge; forme, une épaule de femme; force, le maréchal de Saxe brisant un écu de six livres; infini : un horizon; temps : un métronome.
Maintenant, n'est-il pas possible que dans tel état d'esprit une personne questionnée n'a rien vu, qui, en tel autre état d'esprit, aurait perçu une image?
En somme, le mot n'a qu'une valeur de convention; c'est un signe qui semble clair et qui ne le demeure en apparence que par un prodige — inconscient — de concessions. Si le mot infini me suggère un clair horizon sur la mer et à mon interlocuteur un trou noir, comment nous entendre si nous ne faisons pas abstraction de l’image pour nous en tenir au signe pur et simple? L'accord se tait sur les mots, sur ce rien — de nihilo in tenebris — que M. Ribot a si supérieurement analysé.
Dans le même fascicule, notre collaborateur Gaston Danville réfute avec sagacité la théorie de M. Fouillée sur les idées-forces. L'a-t-il absolument réduite à néant? Je ne le
crois pas, et je dois même avouer un certain penchant pour le pur idéalisme qui me ferait partisan des idées-forces, — si je devais prendre parti. Sans doute, pour devenir force, l’idée a besoin d'un instrument; le mental agit par le physique, — vérité élémentaire. Du moins est-ce l'apparence des choses. Mais quelle est la valeur propre du physique et son essence? La matière existe-t-elle en soi? Conditionne-t-elle l'esprit ou est-elle conditionnée par l'esprit? L'auteur considère les facultés mentales comme une acquisition de la matière organisée, et pour lui « le physique n'est pas plus l'ombre du mental que le mental le reflet du physique ». Cette étude témoigne de connaissances philosophiques peu communes et d'un vrai talent pour la discussion de ces sortes de questions, — si peu familières à la plupart des littérateurs.
R. G.
Les Entretiens Politiques et Littéraires publient une lettre de M. Bernard Lazare à M. Anatole France, et j'imagine que le critique du Temps lui-même n'a su se défendre d'en goûter l'exquis persiflage : « Aujourd'hui vous apportez à ceux qu'on voulut bien nommer les symbolistes et qui ont, sauf quelques récentes dissidences félibréennes, accepté ce nom, l'appui de votre autorité et de votre talent; ils seront fort mal venus certes à ne pas vous en savoir gré. Je vous reproche d'avoir attendu, pour vous prononcer, que la gravité de M. Brunetière ait affirmé la légitimité de nos efforts, que la presse ait donné à quelques-uns des nôtres la notoriété qu'ils auraient dû recevoir de vous seul, puisque vous étiez le seul, dans la critique, ayant qualité pour parler, pour servir de parrain à ceux qui vinrent se mêler, nouveaux, aux luttes ». Dans le même numéro, une intéressante appréciation de l'évolution dramatique par M. Paul Adam, et un article de M. Alphonse Germain : Ceux de l’École, sur le sujet pas très neuf de la néfaste influence de l’École des Beaux-Arts; mais on ne redira jamais trop ces choses.
La Plume du 15 septembre est tout entière consacrée au Livre Moderne, la curieuse publication de M. Octave Uzanne. Portrait hors texte de M. Octave Uzanne. Dans le texte, entre autres dessins et caricatures extraits du Livre Moderne, les portraits-charges de Balzac, Victor Hugo, J. Barbey d'Aurevilly, Alexandre Dumas père, Monselet, Champfleury. Dans le numéro du 1er octobre, un article de Léon Bloy : Rêverie sur les Pauvres Anges, — le portrait d'Adolphe Retté, accompagné d'une biographie signée Édouard Dubus, — des vers de R. Darzens, F. Redonnel, etc.
Dans L'Endehors du 8 octobre, M. Georges Darien, sous le titre : Le Roman anarchiste, délibère si oui ou non, le roman sera socialiste, ainsi que l'affirmait naguère M. Octave Mirbeau; et il conclut :« Non ». — Le numéro du 15 octobre contient un article de M. P.-N. Roinard à propos de l'appel à la concorde que nous publiions en tête de notre
dernière livraison. Mais le rédacteur de L'Endehors n'est pas absolument du même avis que M. Saint-Pol-Roux : « Quant à prêcher, comme le voudrait notre confrère, nous craignons de ne convaincre, hélas, que des convertis ou des goujats intéressés à nous suivre. Et puis, qu'est-il besoin des faibles pour cortège, pour cohue, pour foule qui commence par pousser et finit par noyer! »
L'Album des Musées. — Revue artistique hebdomadaire, nous envoie son premier numéro ( Dir. : A. Defaucamberge Fils; Rédacteur en chef : Léon Riotor. — Gr. in-4° de 4 p., avec couverture en couleur et 3 gravures hors texte. Le numéro ; 20 cent.; un an : 12 fr. — 40, rue Milton). Nos souhaits de bienvenue à cette jolie publication, qui se propose de vulgariser, sous la direction de M. P. Puvis De Chavannes, les œuvres de peinture et de sculpture des musées de Paris et de province: « ... Conduire son public partout où l'art règne, sans aucun dérangement, sans fatigue, sans frais, lui permettre d'en conserver la vision nette et indéfinie, produire au jour les belles œuvres qui dorment ignorées dans l'oubli et la poussière de la province... » L'Album des Musées commence son intéressante série de reproductions artistiques par : La Becquée, de J.F. Millet; Une Fête au Colysée, de Watteau; Odalisques dans les jardins du Sérail, de Diaz de la Pena. Dans le texte, une héliogravure : Goudéa, prince de Tello, accompagnée d'un article de M. E. Ledrain sur les nouvelles statues chaldéennes au Musée du Louvre. — Puis un sonnet de notre collaborateur Albert Samain : Amour de l'Art; une notice de M. Th. Lefebvre : Sur Théodule Ribot; et des Notes artistiques, de M. A. Thézard.
Dans les Hommes d'Aujourd'hui, portrait-charge de Charles. Diguet, par Luque, texte de Delaunay.
A. V.
Un journal que son incontestable austérité devrait garder contre les plaisanteries, Le Temps, est victime depuis plusieurs années déjà d'une mystification littéraire qui n'est plus douteuse pour personne, après la lecture des numéros portant les dates des 12, 16 et 23 septembre, 6, 7 et 8 octobre 1891 : M. Anatole France n'a jamais existé ; ce nom, comme celui d'Homère, représente une collectivité d'écrivains.
Jusqu'ici les ouvrages publiés sous cette raison sociale pouvaient en somme faire croire à l'existence réelle d'un habile diascévaste qui aurait arbitrairement mélangé des mystères écrits en latin archaïque, au cours du moyen-âge, par une religieuse allemande, quelques contes de M. de Voltaire, la Tentation de saint Antoine, et le Banquet d'Alexandrie et la Légende de saint saint Hilarion de Louis Ménard. La Vie Littéraire, publiée chaque samedi dans le Temps, présentait déjà un caractère moins homogène; et il était difficile d'assigner au même auteur dès pages exquises sur la poésie, de médiocres chroniques à propos de romans féminins sans
valeurs, et d'ennuyeuses études touchant le monde parlementaire et Louisphilippard cher à M. Bardoux. Seule une constante habitude de la perfidie la plus délicate donnait quelque unité à ces articles hebdomadaires. Si bien que M. Jules Huret, d'ordinaire mieux informé, se laissa prendre comme les autres et crut interviewer quelqu'un qui était M. Anatole France. C'est précisément un menu fait emprunté à cette conversation qui, rapproché des notices sur les Jeunes Poètes, nous a permis de découvrir la supercherie. Le Monsieur chargé ce jour-là de s'appeler Anatole France avait déclaré à M. Huret qu'il connaissait bien Jean Moréas, mais point du tout ses émules, et voici que, peu de semaines après, un long catalogue de jeunes poètes est publié sous ce même nom avec de savantes gloses : lectures et commentaires impliquent un travail auquel aurait à peine suffi, en dix ans, la patiente congrégation de Saint-Maur. Les opinions les plus contradictoires s'y heurtent : ainsi Paul Verlaine, jadis proclamé le plus grand poète du siècle, descend au rang de violon criard, et J. M. de Hérédia, ailleurs fort dédaigneusement traité, reprend la place qui lui est due. En outre, le catalogue est en même temps surabondant et incomplet : on y trouve des poètes presque inédits, et d'inexplicables oublis sont à regretter. L'un d'eux, surtout, montre bien que nous ne sommes point en présence d'une œuvre raisonnée et conçue par un seul ouvrier : Ephraïm Mikhaël, qui, en sa courte vie, chanta tant de beaux poèmes admirés également par ses aînés et par ses pairs, est tout à fait passé sous silence; louer les morts coûte peu cependant aux plus envieux des vivants, et la sagesse aurait suggéré à n'importe quel critique travaillant sur un plan déterminé de ne point oublier quelqu'un qui fut au premier rang parmi les jeunes.
De ce qui précède, il appert clairement que M. A. France est un personnage mythique et collectif : il est impossible en effet d'attribuer à un seul homme, si heureusement doué qu'on le suppose, autant de contradictions, de défaillances et de palinodies. La dernière manifestation de cet être imaginaire parait provenir de quelques scribes romans que la crainte de cruelles rimes induisit à beaucoup de politesse envers Laurent Tailhade, et la haine sagace de la bonne littérature à beaucoup de malveillance pour Henri de Régnier.
P. Q.
Dans la Revue Indépendante de septembre, un article de M. J. Ayme, intitulé : M. Josephin Péladan, et sous-titré : L'Amour platonicien en 1891; un poème de M. Paul Guigou : La Cathédrale merveilleuse; — dans L'Ermitage, des notes de voyage de M. G. Bernard-Kahler: Au bord de la Baltique, et l'acte dernier de la pièce de M. Henri Mazel : La Fin des Dieux; — dans La Jeune Belgique, des poésies de MM. Fernand Severin, A. Arnay, Eugenio de Castro, des poèmes en prose de M. Maurice Desombiaux, et un article de M. J. Neve : Le Jubilé de
l'Ecole Saint-Luc et la Renaissance de l'Art en Belgique; dans Chimère, des articles de MM. Paul Redonnel, Pierre Devoluy, des poésies de MM. Armand Silvestre, Ch. Frappart, L. Dumur; — dans Le Progres Artistique et Littéraire, un article sur le Théâtre vivant, de M. L. Serizier, à propos de la dernière pièce de M. Jean Jullien, de laquelle M. Simon Heldé fait dans le même numéro un compte-rendu remarquable. — Signalons la naissance d'une revue bimensuelle: Le Bluet (28, rue Mont-Thabor. Directeur: C. Cilwa. Un an: 7 fr.)
Le musée de Birmingham prépare l'inauguration d'une salle spéciale consacrée à l'école pré-raphaélite : Rossetti, Millais, Holman Hunt, Burn Jones, Simeon Salomon, etc.
R. G.
Musee du Louvre : - Plusieurs dons importants viennent d'être faits au Louvre: : un Courbet, offert par Mme Champfleury; La Vérité, de Paul Baudry, offert par Mme de Baumont-Castries; une aquarelle de M. Paulin, architecte (Restitution des Thermes de Dioclétien).
Quand donc seront terminées les prétendues réparations qu'on exécute dans la grande galerie? Depuis plus de trois mois, une centaine de tableaux sont absents des murs et remplacés (piètre compensation) par quelques ouvriers perchés sur d'énormes échelles et absorbés dans le scrupuleux mais lent masticage d'invisibles éraflures du plâtre. Personne, aujourd'hui, parmi les habitués du musée, ne doute que ces zélés ouvriers ne soient payés à la journée.
Musée du Château de Chantilly : — Le duc d'Aumale vient de se rendre acquéreur pour le Musée de Chantilly de quarante miniatures de Jean Foucquet. Ces quarante miniatures, destinées à l'illustration des Heures d’Étienne Chevalier et conservées jusqu'aujourd'hui à Francfort, ont été payées 300,000 fr.
Luxembourg : - On vient de placer dans le Jardin du Luxemboure (mais devrais-je parler ici, sous cette rubrique : Choses d'Art, du Luxembourg, musée ou jardin?) plusieurs statues assorties: Les joies de la famille, groupe marbre de Daillon ; une Horde de Cerfs, groupe bronze de Leduc. Prochainement on y installera : Au but, groupe bronze de Boucher: Œdipe et Antigone, groupe marbre de Hugues; Après le Combat, groupe marbre de Levasseur.
Chez Boussod et Valadon (Boulevard Montmartre): — De Whistler, deux pastels (femmes couchées, nues, jouant de l'éventail). C'est distingué, joli, très joli, trop joli, presque du Grévin, bref du mauvais Whistler. Je préfère de beaucoup deux autres minuscules tableautins du maître anglais: une pochade de femme orchestrée en blanc et rouge et un petit
Chez Durand Ruel : — A voir : un superbe paysage avec figures, de Collantes, le Marat de Louis David, une très belle assomption de la Vierge de Careno de Miranda, une famille hollandaise dans un paysage d'Albert Cuyp, deux portraits de Largillière, l’Exécution de Maximilien, de Manet; les Anges au tombeau de Jésus-Christ, de Manet, les portraits de Rouvière en Hamlet, de Manet,,L’Été, de Puvis de Chavannes, la Décollation de Saint-Jean, de Puvis de Chavannes, une Liseuse (pastel) et une Dormeuse (pastel), de Puvis de Chavannes, une Scène de guinguette et une Baigneuse, de Renoir, des Courbet etc. Le Louvre, si pauvre en maîtres espagnols, ne possède qu'un seul Collantes et aucun tableau de Careno de Miranda ; ne vaudrait-il point mieux acquérir les deux très remarquables tableaux de ces peintres que dépenser l'argent disponible en mastic pour les éraflures des murailles?
G.-A. A.
Au Louvre : — Les conservateurs doivent avoir en sainte horreur l'école picturale moderne. Dans cette petite pièce obscure, sorte de boyau, qu'on traverse après la salle Lacaze, on a entassé depuis quelques mois des Daubigny, des Chasseriau, deux toiles de Chintreuil, l’Enterrement de Courbet, la Jeanne d'Arc d'Ingres, la Décapitation de Regnault. Auparavant il y avait là des barbouillages de Joseph Vernet ; ils y étaient bien et personne ne réclamait; mais au Louvre c'est une manie d'arranger et de déplacer perpétuellement; heureux qu'on ne mette pas les choses la tête en bas ; cependant qu'on étale en belle lumière les infamies des Lesueur, les immenses tartines des Lebrun et des Rubens, on relègue les tableaux intéressants dans les couloirs et les coins sombres. — Qui veut voir apporte sa lanterne. — Nous avons déjà une salle entière consacrée à des portraits de peintres, tous gens à perruque, une galerie entière pour les allégories du dieu Anversois, une autre galerie pour l'histoire de Saint Bruno, deux salles énormes pour les bonshommes médiocres du xviiime siècle. Si pourtant on choisissait dans ce bric à brac une centaine de toiles encombrantes afin de les reléguer dans les greniers, les amateurs d'art n'y perdraient pas grand chose, et ça ferait de la place.
C. Mki.
« Du 4 avril 1846, à midi, acte de naissance de Isidore-François, du sexe masculin, né le même jour à 9 heures du matin, à Montevideo, de François Ducasse, chancelier délégué
du Consulat Général de France, âgé de 36 ans, et de Célestine-Jacquette Davezac, son épouse, âgée de 24 ans.
« Dressé par M. Denoix, gérant dudit Consulat Général de France, sur la présentation de l'enfant et la déclaration faite par le père susnommé, en présence de MM. Eugène Baudry et Pierre Lafarge, commerçants français, demeurant à Montevideo. »
Isidore Ducasse, qui signa Comte de Lautréamont ses Chants de Maldoror était donc de quelques années plus âgé que ne l'a dit M. Genonceaux dans sa Notice — sur la foi d'un renseignement d'ailleurs fourni par un oncle de Ducasse.
On annonce la mort du poète portugais Anthero de Quental, né aux Açores en 1842. Il y a quelques beaux vers, d'une inspiration suffisamment sinistre, du romantisme sombre sans aucun sourire, dans son volume intitulé Os Sonetos completos (Porto 1886). Très connus étaient ses Captifs, où l'humanité est symbolisée par des prisonniers qui regardent l'espace à travers les barreaux de leur cage et auxquels, interrogés, les oiseaux de passage, le vent, les étoiles répondent : « Où nous allons, nous ne savons pas. — Qu'y a-t-il au-delà? Rien, la mort, l'obscurité, l'abîme, le néant... »
A noite, a escuridao, o abysmo, o nada. En le sonnet Altas horas da noite, il voit la vie ainsi : « Rien, le fond d'un puits, humide et morne, un mur de silence, la ténèbre autour et au loin la promenade sépulcrale de la mort... »
- Nada ! o fundo d'um poço humido e morno,
- Um muro de silencio e treva em torno
- E ao longe os passos sepultaes da Morte.
Ayant descendu pas à pas l'escalier étroit du palais de l'Illusion...
- Do palacio encantado da Illusâo
- Descri a passo e passo a escada estreita...
... Il se suicida.
R. G.
De Camille de Sainte-Croix, dans la Bataille Littéraire du 6 octobre:
« Pour des raisons très spéciales mais que nous ne pouvons qu'approuver, la publication des Valentines de Germain Nouveau est ajournée.
« Compensons cette nouvelle mauvaise par une autre, excellente.
« Nous avons reçu, de la main même de notre ami et maître, une charmante lettre très nette, très sensée et qui nous donne toute confiance en sa guérison prochaine. »
Prochainement, chez Lemerre, un nouveau livre de M. Gabriel Vicaire : A la bonne franquette, — et un volume de M. Jean Berge : Voix nocturnes.
Notre aimable confrère M. L. Baudry de Saunier, ancien directeur du Carillon, et dont la librairie P. Ollendorff a publié l'autre jour une intéressante Histoire Générale de la Vélocipédie, vient d'accepter les fonctions de rédacteur en chef du journal Le Cycle, que nous recommandons chaudement aux amateurs du sport à la mode. — (Le Cycle, organe hebdomadaire spécial de la Vélocipédie, 9, rue de Fleurus. Un an : 12 fr. ; six mois : 7 fr.)
Comment on écrit l'histoire... littéraire :
« Les symbolistes ont introduit leur système dans la prose. Ils entassent dans leurs phrases des mots français, latins, grecs, des mots qui ne sont d'aucune langue. M. Verlaine écrit dans son Traité du Verbe... etc. » — Histoire Générale de la Littérature Française depuis 1815 jusqu'à nos jours (p. 394). par Charles Gidel, Proviseur du Lycée Louis-le-Grand, Lauréat de l'Académie Française et de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres (Lemerre).
D'un discours ministériel (M. Yves Guyot): « Le gouvernement républicain, en instituant le service militaire obligatoire, a fait appel aux plus nobles passions de l'homme. »
Du XIXme Siècle. Interview d'un attaché militaire allemand sur les grandes manœuvres :
« Je connais votre objection : Nous lançons l00,000 hommes; il en tombe 50,000, mais les 50,000 autres arrivent.
« Erreur; il n'est pas de troupe, à mon avis, qui puisse résister à l'effet moral d'une pareille hécatombe... »
M. Paul Just est prié de nous donner son adresse.
Échantillon de romance patriotique (n° 2) :
C'était le soir. Dans une chambre rose,
Un frêle enfant dormait dans son berceau;
Il souriait, la lèvre demi-close,
Car dans son rêve il voyait un drapeau!
Nous sommes obligés de remettre au prochain mois la « Petite Tribune des Collectionneurs »
Mercvre.