Quand les violons sont partis - La male heure

De MercureWiki.
 
Edouard Dubus, « Quand les violons sont partis - La male heure », Mercure de France, t. II, n° 13, janvier 1891, p. 30.


Pour Adolphe Retté.

En mon rêve, où régnait une Magicienne,
Cent violons mignons, d'une grâce ancienne,
Vêtus de bleu, de rosé, et de noir plus souvent,
Se mirent à jouer — il semblait pour le vent...
Des musiques de la couleur de leur costume,
Mais où pleuraient de folles notes d'amertume,
Que la Fée, une fleur aux lèvres, sans émoi,
Ecouta longuement se prolonger en moi,
Et dont j'ai transmué l'écho, pour lui complaire,
En ces joyaux voilés d'ombre crépusculaire,
Qu'orfèvre symbolique et pieux j'ai sertis
A sa gloire,

QUAND LES VIOLONS SONT PARTIS



LA MALE HEURE

Pour Ernest Raynaud,


Les doux printemps d'illusion sont révolus :
Au ciel, que les soleils ne glorifieront plus,
Vois accourir, à la fanfare des rafales,
Les galères de neige en foules triomphales.

Des ailes ont voilé d'un augural linceul
Le refuge d'azur qui nous demeurait seul;
La désolation solitaire des grèves
Envahit le jardin que fleurirent nos rêves,

Tout se déchire en de funèbres nudités:
Les grands lis ingénus et les ferventes roses
Sont partis à la bise en papillons moroses,

Le rire est mort dans les bosquets désenchantés,
Où désormais retentira la voix sans leurre
Du vain clocher d'espoir qui tinte la male heure.

Edouard Dubus.

Outils personnels