Ruines

De MercureWiki.
 
Edouard Dubus, « Ruines », Mercure de France, t. III, n° 22, octobre 1891, p. 197


RUINES

Pour Severine.


Fanant de son halo des parterres d'étoiles,
La lune monte au ciel, dont l'azur se vermeille;
Des nuages lointains stagnent, comme des voiles
Au large de la mer, lorsque le vent sommeille.


Dans un bosquet un peu fané, fleurant la mûre,
Au fond d'un parc désert, quatre fois séculaire,
Où mainte cascatelle en ruines murmure,
Voici que faiblement l'ombré morne s'éclaire.


Aux baisers d'un rayon frissonnent des statues,
Qui se rappellent les duchesses-bergerettes
Parmi les madrigaux s'en allant, court vêtues,
Avec, sous l'éventail, des mines si distraites!


Navrés en leur amour pour les fêtes galantes,
Les Nymphes, les Bacchus, la Vénus et les Faunes,
Sur leurs socles croulants ont des poses dolentes
Et grimacent de lamentables rires jaunes.


Elle ne brandit plus l'arc d'un geste superbe,
Diane, et, de leur faux brutale, les Années
Ont fait rouler son chef parmi les touffes d'herbe :
— Telles ont vit les duchesses guillotinées.


Mais un linceul de mousse, aux pitiés infinies,
Entoure avec lenteur tous les débris funèbres
Qui, cette nuit aux opalines harmonies,
Évoquent le Passé dans les demi-ténèbres.

Edouard Dubus.


Outils personnels