La Rançon, comédie en 3 actes, en prose, de M. Gaston Salandri. — Une jeune fille, lasse des vexations que lui prodigue la seconde femme de son père, se fait aimer — pour le bon motif — d'un candide employé: le mariage sera, pour elle, une délivrance. Surgit alors le démon tentateur, sous les traits d'une amie d'enfance, assez riche, qui, revenant d'Amérique, en profite pour initier la nouvelle épousée aux délices de la vie facile et luxueuse. Il en résulte des dettes et des scènes de ménage où s'échangent des paroles aigres, le mari trouvant fort désagréable d'avoir à payer des notes imprévues de couturière. Pour éviter, à l'avenir, l'ennui de pareils reproches, et solder entièrement le compte robes et manteaux, la femme acceptera un amant — oh! du meilleur monde!
Et la rançon? Au cours de la pièce, ce mot est prononcé dans des circonstances qui tendraient à prouver qu'une coquette, tenue en esclavage par les goûts simples de son conjoint et leur manque de fortune à tous deux, a le pouvoir d'acheter la liberté et les toilettes qui lui manquent en vendant son amour (?); c'est là une thèse évidemment neuve, et dont l'exposé nous a paru éclairer de jours puissants une question jusqu'à présent résolue par sa simple énonciation. Il parait que M. Salandri a fait là « effort de moraliste, de philosophe, autant que d'observateur et d'artiste »; du moins, nous en prévient-il dans le programme.
Rendons hommage aux consciencieux efforts de MMmes Théven, Perrot et Barny, admirablement secondées par M. Antoine, très remarquable en vieux bourgeois, M. Grand dont le jeu s'est fort amélioré, et M. L. Christian.
Un Beau Soir, comédie en un acte, de M. Maurice Vaucaire — L'or sanglant du crépuscule s'éteint au loin, derrière les hautes meules flamboyantes ; sous le couvert des branches, capricieusement tordues, où la nuit insidieuse commence à pénétrer, un triste poète, le cœur empli de toute la mélancolie du décor, ne se résout pas à dire les gais propos que réclame de lui la grande dame, sa joyeuse maîtresse. Comme ils
vont promener plus loin leur amusante bouderie, un autre couple apparaît à l'orée du bois. L'amant est, cette fois, d'un caractère folâtre dont s'accommode peu la rêveuse et gentille enfant qui l'accompagne. L'échange n'est-il pas indiqué? ... il se fera.
Nuancé de fin comique, d'atticisme discret, le dialogue est conduit avec une étincelante et nerveuse maëstria. Cette attrayante fantaisie fût interprétée à ravir par Mmes Sylviac, adorablement rieuse, Théven, fort bien en sentimentale ennuyée, à qui donnaient la réplique M. Antoine, qui, dans la manière triste, nous a dit, de talentueuse façon, les vers de M. Maurice Vaucaire, et M. Grand, plein de conviction et d'heureux entrain.
L'Abbé Pierre, pièce en un acte, en prose, de M. Marcel Prévost. — Pourquoi M. Marcel Prévost jugea-t-il nécessaire de nous exposer, en même temps que l'insignifiante conversation amoureuse d'un serrurier et d une servante d'auberge, une extraordinaire confession d'une mère à son fils ? Peut-être voulut-il permettre à M. Antoine d'endosser une soutane, et de nous montrer qu ainsi vêtu il était susceptible de tirer d'admirables et tragiques effets d'un rôle médiocre sans lui.
Constatons que Mme Barny, fort pathétique en veuve coupable, Mlle Luce Colas et M. Renard, dans les rôles secondaires, l'ont aidé de leur mieux à soutenir ce mélodrame, d'un romanesque faux, teinté de mauvais naturalisme.
Gaston Danville.