Hortorum Deus mars 1892

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Ernest Raynaud, « Hortorum Deus », Mercure de France, t. IV, n° 27, mars 1892, p. 216.


HORTORUM DEUS (1)

Traduit de Catulle



Moi! qu'a tiré d'un chêne une fruste cognée,
Mauvais garçons, c'est moi qui garde cet enclos,
Où rit un petit toit de joncs et de roseaux,
Pour qu'il croisse en moissons à l'envi des années!
Car le Maître et son fils, à mon culte assidus,
Observent, tous les deux, les soins qui me sont dus.
L'un surveille mon seuil pour que l'impure ortie
Avec la mauvaise herbe y soit anéantie;
Et l'autre qui sait bien comme on s'attache un dieu,
Soit de fleurs au printemps écloses, soit, en lieu
De fleurs, d'épis naissants me couronne la tête,
Il m'offre des pavots pourprés, des violettes,
Des courges d'un joli vert pâle, et quelques-uns
De ces beaux fruits dorés dont j'aime les parfums.
Il suspend, chaque automne, à ma gaine vermeille
Une grappe élevée à l'ombre de la treille,
Et parfois mon autel — mais je vous en dis trop —
Se réjouit d'un sang d'agnelle ou de chevreau;
En retour de ces soins, je me dois à leur vigne,
Je protège leur clos d'escalades indignes.
Non loin d'ici demeure un vieux cousu d'argent,
On dit que son Priape est assez négligent:
Allez donc marauder dans son clos à mains pleines;
Le sentier qui se trouve à droite vous y mène.

Ernest Raynaud.



(1) Notre collaborateur Ernest Raynaud, qui traduit actuellement Catulle, nous a remis cette poésie le jour même que paraissait notre dernière livraison : il en désire l'insertion immédiate pour — à l'exclusion de toute autre idée — simplement prévenir l'imputation éventuelle, lors de la publication de son livre, d'avoir emprunté telle ou telle épithète aux sonnets de M. José-Maria de Heredia imprimés ici l'autre mois. — N. D. L. R.


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