Journaux et Revues octobre 1892

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Mercvre, « Journaux et Revues  », Mercure de France, t. VI, n° 34, octobre 1892, p. 178-185.



JOURNAUX ET REVUES


 Le défaut d'espace nous empêcha, le mois dernier, de signaler (il fallait plus qu'une mention) l'étude que donna Marcel Schwob à la Revue des Deux Mondes, François Villon, d'après des documents nouveaux. Moins nouveaux, ces documents, que nouvellement combinés, mais sagacement confrontés les uns avec les autres jusqu'à ce que jaillisse l'identité et la véracité de faits et de gestes jusqu'alors pas clairs. Cette notice semble définitive, au moins tant que telle inattendue poussière d'archives n'aura pas été remuée, — et c'est vraiment agréable de lire un tel travail, après qu'un incompétent, sous la tutelle d'un plus incompétent encore, nous infligeait à ce propos (a la portée de peu) une dissertation de vaudevilliste sentimental (qui fut malmenée ici même). Dans la présente étude, il faudrait le savoir spécial de M. Longnon, peut-être, ou de M. Byvanck, pour relever telle hypothèse simplement vraisemblable, mais pas tout à fait vérifiée; du moins certaines appréciations déroutent, et Villon fut-il si foncièrement que cela « petit, faible, lâche » — et eut-il tant « l'art du mensonge », le poète qui semble, en son œuvre, si crûment passionnel ? Les faits disent oui, mais les faits, eux aussi, « ont l'art du mensonge. » Enfin, cela paraît assuré et cela nous donne un Villon pervers, habile a l'attitude, chef de bande, qui fait marcher ses compagnons sans marcher lui-même, retors et adroit à fondre aux mains du prévôt, heureux aussi, car logiquement la potence avait des droits sur lui.
 C'est grâce à l'étude du milieu, des entours, que Marcel Schwob a pu redessiner ce curieux Villon; aussi son article est tout un tableau des mœurs au xve siècle; mœurs des Parisiens, des provinciaux, des goliards vagabonds, des écumeurs enfin, ces compagnons de la Coquille auxquels Villon s'affilia. Comme l'auteur nous le fait avec raison remarquer, cette biographie « permet de juger plus sérieusement l'homme à côté de son oeuvre »; elle est même plus que suffisante. — elle est.

Hermès.


 Une discussion courtoise entre gens de lettres, des écrivains qui veulent bien se donner la peine de comprendre l'adversaire et le réfuter au lieu de l'injurier, le fait vaut qu'on le note. M. Brunetière détourne ses lecteurs d'apporter leur obole pour l'érection d'un monument à Baudelaire. Pourquoi? M. Brunetière, écrit M. Charles Morice dans le Parti National (13 septembre), « a pris un parti dans la vie spirituelle, et selon le mot de Diderot « il y reste attaché ». C'est là sa force. — Hélas, c'est aussi sa faiblesse. Pour ne pas se contredire, M. Brunetière s'entête; c'est la crainte de se tromper qui lui fait commettre ses pires erreurs. Il a des principes qui donnent à sa vie intérieure une forte unité, mais qui la resserrent et la restreignent étrangement. Ses préoccupations de moraliste ont toujours gêné en lui et, à la longue, ont dépravé le littérateur, l'artiste soucieux — d'abord ! — de beauté. Comme il est sûr de ses principes, il réprouve tout ce qui ne s'harmonise pas avec eux : par malheur, il les consulte souvent hors de cause et il arrive que ce juge sévère condamne, alors que « l'espèce » n'est pas de son ressort. C'est pourquoi il est rarement d'accord avec les poètes : à l'ordinaire nous aimons ailleurs, lui et nous, et sa violente attaque contre Baudelaire — fût-elle la première — et c'est une récidive — n'était pas pour nous surprendre. »
 D'autre part, M. Georges Rodenbach, dans le Figaro du 6 septembre, trace ce petit portrait de M. Brunetière : « Son style est austère, protestant. Sa parole aussi, incisive et froide comme un glaçon. Et des yeux qui ont l'air inexorables derrière le givre du lorgnon ! Et le minimum de gestes ! Pas d'ornements pour dire sa pensée. Pas d'ornements non plus autour de lui. Il faut le voir dans ce petit cabinet de travail de la Revue des Deux Mondes où il passe sa vie, vide et froid, avec sur le mur un papier de tenture vert, d'une couleur exaspérante, un casier aux cartons verts, une pauvre lampe avec abat-jour vert. Tout est vert, d'un vert de prairie, acide et implacable, d'un vert nu, sans tableau ni une gravure piquée, ni rien ! Cela aussi prouve combien les idées seules intéressent M. Brunetière; combien l'esthétique dans la vie lui est aussi indifférente que l'esthétique dans les livres. La Beauté ne lui importe pas, mais le texte. Encore une fois, c'est un protestant. »
 Dernière heure. — M. Brunetière déclare dans le Figaro (20 septembre) que son cabinet de travail n'est point vert... Mais il persiste à dénoncer : Une Charogne, de Baudelaire, comme une « idée banale dégradée [encore] au moyen de mots sales >>. Pourquoi M. Brunetière n'a-t-il pas répondu à l'article précité de Charles Morice? II y est justement dit que Une charogne est une poésie hautement spiritualite.

A. V.


 Dans Magasin für Litteratur (20 août), sous le titre de Perspectives de l'Histoire littéraire, une intéressante étude de M. Alfred Kerr sur la genèse des œuvres littéraires. Sans connaître les livres d'Emile Hennequin, M. Kerr critique adroitement la théorie des milieux de Taine. L'écrivain ne fournira plus d'inutiles documents sur les mœurs de son époque, mais de son œuvre on conclura à sa propre personnalité; il sera lui-même l'objet observé et contribuera ainsi en une large part à la connaissance de l'âme humaine. « Wilhelm Scherer a posé comme principe de critique de scruter jusque dans ses détails l'influence que la vie de l'écrivain, l'influence que des modèles étrangers ont exercées sur un ouvrage. » L'essentiel serait de connaître l'état d'esprit du poète pendant la création. Les auteurs font silence ordinairement sur les affres qu'ils traversent pendant le douloureux enfantement de leurs poèmes. Si la joie est grande des premières conceptions artistiques, combien ne sont pas retenus par une insurmontable terreur... du papier. « On verrait d'étranges choses, dit quelque part le compositeur Robert Schumann, si l'on pouvait poursuivre chaque œuvre d'art jusqu'au fond même de son origine. Schiller aimait à écrire, dit-on, en respirant des pomme pourries, Sterne ne travaillait que malade. Pourquoi Richard Wagner ornait-il son appartement d’énigmatiques chiffons et d'inexplicables falbalas ? Novalis avoue ne lire des ouvrages philosophiques que pour y chercher des inspirations poétiques. Quant à M. Ludwig Theobul Kosegarten, qui n'est pas un poète immortel, il ne peut faire de vers que couché sur le ventre.

H. A.


 L'Art Moderne (Bruxelles, nos du 21 août et suiv.) publie une traduction inédite de l'essai de R.-W. Emerson sur le Poète. — « Le signe auquel on reconnaît le poète est celui-ci : il annonce ce que personne n'a prédit avant lui. Il est le seul vrai savant ; il sait, il dit ; lui seul nous apprend du nouveau, car il était seul présent aux manifestations intimes des choses qu'il décrit.- C'est un contemplateur d'idées; il énonce les choses qui existent de toute nécessité comme les choses éventuelles... » Poète: prophète. Voilà qui nous sort un peu des si vaines discussions d'école. «... Nos poètes sont des hommes de talent qui chantent, ils ne sont pas les enfants de la musique. Pour eux, la pensée est la chose secondaire: le fini, la ciselure des vers est le principal... » Rien de changé sous le soleil. « ... Car ce ne sont pas les rythmes, mais la pensée, créatrice du rythme, qui fait le poème ; une pensée si passionnée, si vivante, que, comme l'esprit d'une plante ou d'un animal, elle a une architecture qui lui est propre, elle orne la nature d'une chose nouvelle... Le talent peut folâtrer et jongler; le génie réalise et ajoute... Tout le monde est quelque peu intéressé à l'avènement d'un poète, et nul ne sait combien il peut en profiter... Il dit la parole la plus vraie — entre toutes les paroles qui ont été prononcées — et sa phrase sera la plus opportune, la plus musicale, la plus infaillible des voix de la terre à ce moment. — Tout ce que nous appelons l'histoire sainte atteste que la naissance d un poète est le principal événement de la chronologie... »
 De Nieuwe Gids (Août): De Slag, description de bataille tirée de l'historien arabe Tabari par le Dr G. van Vloten; — Het Beginsel der Psycho-Therapie, par M. Frederik van Eeden ; — deux articles de M. Delang, Filozofie et Zieke Prins; — Eigenndom en de Maatschappelijke Deugd de Zedelijkkeid, par M. F.-M. Wibaut : — Het tegenwoordig standpunt der Crimineel Anthropologie en der Toerekenbaarkeid,par le Dr A. Aletrino; — Anaxagoras of over de smart, par M. Ch.-M. van Deventer; — Dragamosus(suite), par Ary Prins; — Gekken (fin), par M. Jac. van Looy ; — de M. Frans Erens: De Processie et Wind; — Melodie en Gedachte, par M. Alphonse Diepenbrock: excellente prose; — de M. G.-K. van den Bosch, une courte prose : Bleek Mietje, et deux poésies: Woor een lief Meisje et Woor ernstig Meisje; — Kunst, par M. Jun Veth.

A. V.


 En Angleterre, la « petite revue », la revue d'art, la revue sans préoccupations commerciales n'existe pas. Ce genre de périodique, toujours fondé par de jeunes écrivains auxquels sont fermés les journaux à caisse et les recueils à chèques, n'a aucune raison d'être en un pays où soixante magazines, sans compter les américains, prospèrent, appuyés sur un large et solide public. Il n'y a pas, comme en France, un surcroît de copie : la demande couvre l'offre, et tout s'imprime et tout se paie, — bon ou mauvais, pourvu qu'on y respecte « Miss Grundy ». Je ne vois donc à la Pagan Review (dont le premier numéro nous arrive de Rudgwick Sussex) d'autre but avouable que de choquer systématiquement la pudeur de l'honorable et traditionnelle vieille fille. Mais Miss Grundy ne capitulera pas. Elle sait que l'hypocrisie est un solide verrou qui garantit sa liberté, et elle continuera a faire ses mines pourvu qu'on la laisse s'en faire faire d'autres en catimini, se saoûler à l'ombre de sa feinte candeur et se payer les Highlanders dont les muscles lui plaisent.
  Maintenant, il y a sans doute dans Pagan Review un but artistique et même philosophique, — mais le prospectus est obscur et ce qui le suit ne l'est pas moins. D'assez jolies pages, dans le goût de celles qui encombrent les «petites revues », françaises, et, à côté, du pseudo-naturalisme tel que ce roman intitulé The Sangans et où les personnages, français, usent pour ébaubir Miss Grundy d'une langue que l'auteur croit du parisien, mais qui n'est que cet international argot parlé dans les romans suisses — légers. The Black Madonna, par W.-S. Fanshawe, est assez étrange. A la fin, des notes et l'analyse des Pastels in prose, traduits du français par M. Stuart Merrill.
 L'épigraphe est spirituelle : Sic transit gloria Grundi.

The Pilgrim.

 Madame Marholm, dans la Freie Bühne du 15 août (Tribune Libre), consacre un article nécrologique à Arne Dybfest, le romancier norvégien suicidé récemment. « Il était le plus moderne des Norvégiens; Garborg à côté de lui semble être un vrai bourgeois, il était tout à fait norvégien: naïf jusqu'au comique, prenant au sérieux tout ce qu'il touchait, plus au sérieux que ne le fait même la vie dans ses manifestations; il cherchait le raffinement, le raffinement jusqu'au grotesque, jusqu'au manque de goût, jusqu'au ridicule, comme un norvégien barbare s'apprête l'art délicat, rare et difficile de la sensation, — mais dans tout ce qu'il a fait, dans tout ce qu'il écrivit, cet homme semble avoir été entier, sans restrictifs, sans compromis. »
 Sa patrie ne le lui a pas pardonné. La-bas, où les différences de classes sont moins grandes, « l'esprit borné règne plus absolument qu'ailleurs. » Pour rester soi-même, il faut être « poète-né », et quand on s'avise de penser et d'écrire librement sur « le centre organique de l'existence, la femme et la vie sexuelle », disparaître sera le mieux que l'on puisse faire et le plus tôt possible...
 « Dybfest à sauté d'un bateau de pêche en pleine mer, et s'est noyé. »
 Mme Marholm analyse ensuite, avec l'intensité qu'elle seule sait donner à ses si originales pages de critique, les deux nouvelles de Dybfest : Ira et la Solitaire. Il laisse encore un volume : Au milieu des Anarchistes , avec des notes sur Louise Michel, le prince Kropotkine, les Journalistes de la révolte.
 Au même fascicule, une critique de la Débâcle de M. Ledehour, d'exquises impressions de l'exposition de Vienne par M. Bahr, un terne article sur M. Loti de M. Reissner, etc.

H. A.

 Dans la Vita Moderna (4 septembre), une curieuse notice sur le P. Antonino Arguis de Velasco, clerc régulier théatin — et agent théâtral. Cela se passait au XVIIe siècle, à Mantoue, puis à Modène où le R. P. était, de plus, résident pour S. M. Catholique. Il embauchait les ténors et les ballerines, veillait sur la voix des uns, sur les jambes et la vertu des autres. Ses correspondants lui rendent compte de la conduite des sujets qu'il a placés: « ... La Signora Appolonia conserre toujours sa candeur et sa modestie... ». — La même revue annonce une traduction italienne des Cenci de Shelley.

R. G.

 Dans la Revue de l'Evolution (1er septembre), une étude de M. Paul Gabillard intitulée Le Jeux et l'Art : « Les sentiments esthétiques dérivent-ils de l'impulsion du jeu ? — Formulée pour la première fois par Kant et adoptée par Spencer, cette théorie a reçu son expression la plus haute dans les Lettres sur l'éducation artistique de Schiller. — Pour M. Guyau, au contraire, l'art, bien loin d'être la forme supérieure et idéale du jeu, n'en présenterait aucun des caractères saillants et ne serait autre chose que le développement de l'utile et de l'agréable... » L'auteur examine les deux doctrines, puis conclut par un moyen terme : «... L'art n'est ni le dérivatif du jeu ni une forme de l'utilité, mais bien la résultante d'un sentiment sui generis absolument irréductible. » — Dans le même numéro, M. Alexandre Cohen signe une intéressante biographie de Multatuli (Edouard Douwes Dekker, 1820-1887), l'original écrivain hollandais dont il a traduit plusieurs fragments pour la Revue de l'Evolution. Multatuli fut d'abord fonctionnaire supérieur du gouvernement hollandais dans les Indes: « Nommé au commencement de 1856 assistant-résident à Lebak, dans la résidence de Bantam, il s'aperçut aussitôt que la misérable situation matérielle de la population indigène était due principalement à l'oppression et l'exploitation éhontées du régnet indigène de ce district, un prince javanais... soutenu par le résident de Bantam en personne. » S'étant imposé la tâche de protéger les indigènes contre toutes les exactions, il envoya de nombreux avertissements au régent javanais, qui, protégé par le résident, n'en tint pas compte. «... Douwes Dekker se crut enfin obligé de s'adresser directement au gouverneur général, pour réclamer la mise en accusation du régent. — Pour toute réponse, il reçut une missive lui exprimant le mécontentement du vice-roi et lui annonçant son déplacement dans un autre district de Java « où il dépendrait de sa conduite ultérieure s'il pouvait être maintenu au service du gouvernement colonial. » Démission de Douwes Dekker, puis deux vaines tentatives, l'une aux Indes, auprès du gouverneur, l'autre en Hollande, auprès de la Chambre, pour expliquer sa conduite. Et c'est trois ans après, en 1859, que, sous le pseudonyme de Multatuli, conservé dans la suite, il publia Max-Havelaar, «... un livre extraordinaire, étrange, où s'entremêlent la douceur et la colère, le sarcasme impitoyable et le sentimentalisme confinant à la mièvrerie... Livre qui, dans le monde parlementaire hollandais et parmi les marchands de mélasse et de café enrichis par l'exploitation coloniale, fit l'effet d'un pavé lancé dans une légendaire mare à grenouilles... De partout Multatuli reçut des lettres d'injures, de menaces, et il se vit, à la fin, obligé de quitter la Hollande pour habiter d'abord Bruxelles, ensuite en Allemagne, a Nieder-Ingelheim, une petite ville sur le Rhin, où il est resté jusqu'à sa mort, survenue le 19 février 1887. — L'œuvre de Multatuli est considérable, et il a bouleversé complètement les conceptions littéraires en Hollande. Depuis l'apparition du Max-Havelaar jusqu'en 1887 il a publié treize volumes in-8 d'une impression fort compacte, au total quatre mille pages. D'un style mordant — tenant de Henri Heine et de Voltaire — la lecture de ses écrits, en dépit du peu d'esprit de suite, peut-être à cause de cela même, offre un charme particulier. »

A. V.

 Mélusine (juillet-août) continue de nous intéresser à l'étude de la littérature et des superstitions populaires, mais malgré de bonnes ou curieuses contributions, soit que la matière s'épuise, soit que les folk-loristes se lassent, les derniers numéros ne valent pas les anciens. Signalons néanmoins deux notes, spécieuses peut-être, mais fort savantes, de M. Duncieux sur « La Belle dans la tour » et sur « La Pernette ».
 A propos de folk-lore, signalons un extrait de La Tradition: Le Folk-Lore du Danemark. I. Proverbes Danois, par le Vicomte de Colleville et Fritz de Zepelin. Les proverbes recueillis sont au nombre de cinq cent cinquante-deux; en voici quelques-uns : « Mettez un mendiant sur un cheval, et tout de suite il prend le trot. — Quand il arrive au pouvoir, personne n'est pire au malheureux que le gueux. — Obtenir une chose par la prière, c'est l'acheter plus cher qu'avec de l'or. — Vouloir n'est point justice. — Les uns fondent les balles, mais ce sont d'autres qui les tirent. » Les auteurs annoncent un recueil de légendes et un recueil de chansons danoises: ces travaux sont les bienvenus.

R. G.

 Excellent numéro de l'Ermitage (août), avec MM. Hugues Rebell, Le Cardonnel, Verlaine, Degron, Paul Masson, Pierre Dufay, Rambosson, Tardivaux, Mazel, etc. Entre autres bonnes choses, un Paradoxe sur la Critique, d'Adolphe Retté, où cet amusant projet de méthode de critique: « Il y a toujours avantage à prendre le contre-pied d'une idée suisse. Partant de là, choisissons cette proposition d'un Genevois inventé par M. Schérer et ressuscité — oh ! très peu — par M. Bourget: « Un paysage est un état d'âme. » Retournons-la et disons : « Un état d'âme est un paysage. » Voilà une base excellente.... »
 Dans les Essais d'Art Libre, une jolie ironie, de Remy de Gourmont, sur Celui qui ne comprend pas : « De tous les plaisirs que peut procurer la Littérature, le plus délicat est certainement : « Ne pas être compris ». Cela vous remet à votre place, dans le bel isolement d'où l'inutile activité vous avait fait sortir : réintégrer la Tour et jouer du violon pour les araignées, qui — elles — sont sensibles à la musique. » Suit la monographie de Celui qui ne comprend pas, :«  fier de Son inintelligence et des loques verbales dont il vêt sa nudité spirituelle, — et il s'exhibe, il fait le beau, et dès qu'on flatte sa vanité, qui est « Ne pas comprendre », un éventail de plumes de paon lui sort du derrière, et sur chaque plume, en guise d'œil, il y a un rond où est écrit: « Moi, je ne comprends pas ! »
 Les publications dites « petites revues », si nombreuses aujourd'hui, furent ce mois-ci particulièrement intéressantes: mais il faudrait deux fois plus d'espace que nous n'en avons pour en rendre compte, et nous devons nous restreindre à signaler les principaux articles. — Aux Entretiens Politiques et Littéraires: L'homme sensible (Paul Adam), La Commune de Paris (Bakounine), .La Chevauchée d'Yeldis, un long poème de F. Vielé Griffîn, Portraits (H. de Régnier), et des critiques littéraires de Bernard Lazare. — A la Jeune Belgique, des poèmes de Fernand Séverin, Emile Verhaeren; Petites études de poétique française: Le Verset la Prose (Iwan Gilkin). — A la Revue Blanche: des Fragments de Nietzsche, un Léon Cladel d'Eugène Morel, Réponse de la Bergère au Berger (Edouard Dujardin). — Au Saint-Graal : Syvle (Jean Moréas); Romans baptisés : article d'esthétique, d'Emmanuel Signoret; La Révolte des Saintes (G. Vicaire), Léon Bloy : silhouette par Rambosson; un Léon Cladel de Degron. — L'Idée Libre, nouvelle série, avec une couverture où un symbolique dessin de Schwabe: Souvenirs sur Richard Wagner (E. Schuré), Bertha (Swinburne), Survivances (E. Besnus), Lamennais (B. Guinaudeau), Gestes (Alfred Mortier), L'Embarquement pour Ailleurs (G. Mourey), Critique'de L'Individualisme et de l'Ecole (Jules Bois).

A. V.



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