Madrigal

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G.-Albert Aurier, « Madrigal », Mercure de France, t. I, n° 5, mai 1890, p. 169.


MADRIGAL



Ton sang n'a point fondu la neige de ces toiles !...
Sous ton sein dur, hélas, aucune aile ne bouge...
Me laisseras-tu donc voler seul au ciel rouge
Dont nos baisers seraient les mutines étoiles ?...


— Ton ventre est l'autel d'or du temple d'Aphrodite !...
— Je suis le prêtre impur qui n'offre point de cierges
Et qui veux, sur l'autel desservi par les vierges,
Chanter le rituel de la messe maudite...


Je suis le mage expert en l'art du Trismégiste !...
— Pourquoi me repousser de ton rire morose ?...
Concède que, devant le Tabernacle-Rose,
S'agenouillent mes vœux de malin théurgiste,


Que ma langue de miel chante la cantilène
Et les hymnes brûlants pleins de rimes choisies
Que Sappho récitait, à lèvres d'ambroisies,
Aux Nymphes fleurissant les prés de Mitylène !...


— Oh! rhythmer l'oraison de la messe maudite
Avec la bouche en fleurs des hiérodules vierges,
Prêtre blasphémateur qui n'offre point de cierges,
Sur ton Ventre, autel d'or du temple d'Aphrodite !...

G. Albert Aurier.



2 février 1890.


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